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et 1 franc. Le douanier me dit que les importations de Serbie en Bulgarie se composent surtout de beurre et de fromage qui vont jusqu’à Constantinople, puis de chanvre et de cordes pour plus de 10 millions de francs. Cependant la valeur de toutes les marchandises passées par Soukofski-Most n’a été en 1882 que de 2 millions 1/2 de francs. Tout le commerce entre la Bulgarie et la Serbie, importations et exportations, ne s’est élevé, la même année, qu’à 4 millions 1/2 de francs, c’est prodigieusement peu. Ne dirait-on pas qu’une muraille de la Chine sépare les deux pays ? Il est vrai que les communications sont très difficiles. Les deux états voisins auraient intérêt à supprimer cette ligne de douanes. Elle ne doit guère rapporter à chaque état, au-delà de 30,000 fr., et comme il y a sept bureaux de douane avec leurs employés, sans compter les gardes pour la surveillance de la frontière, la dépense doit être bien plus considérable. Ce serait une union douanière de fait qui pourrait se réaliser, de ce côté-ci, même sans convention pour établir l’identité du tarif et un partage des recettes. Quand le chemin de fer sera terminé entre Sophia et Belgrade, il suffirait de rétablir un seul bureau à l’endroit où il franchirait la frontière bulgare. Mais le but élevé, vraiment national, qu’il faut poursuivre à la fois et dans l’intérêt du progrès général et dans celui de l’avenir de la race jougo-slave, serait l’union douanière entre les deux pays voisins. Ce n’est pas le fisc qui peut y mettre obstacle, car la recette totale de la douane en Serbie n’a été, en 1883, que d’environ 3 millions, dont à déduire les frais de trente et un bureaux de douane. Ce que l’union douanière pourrait faire perdre en revenu serait donc tellement insignifiant qu’il n’y a pas lieu de s’en préoccuper. En outre, les pays importateurs, l’Autriche-Hongrie principalement, applaudiraient à la suppression d’une barrière intérieure qui entrave les échanges et qui les gênera bien plus encore quand la ligne ferrée Belgrade-Sophia-Constantinople sera entièrement achevée.

Nous continuons de courir en plaine jusqu’à Tzaribrod, mais déjà au nord, au sud et surtout vers l’est, s’élève la barrière des Balkans, avec ses ramifications couvertes de broussailles. C’est là que se décidera la question importante pour nous des chevaux de rechange. Le préfet de Pirot nous a fait accompagner par son pissar (secrétaire) jusqu’à Sophia pour lever toutes les difficultés. Quoique ce digne et obligeant fonctionnaire ait conservé son habit noir et toutes ses décorations, il ne peut obtenir qu’un cheval, et il nous en faut trois ou quatre. Nous continuerons donc avec les nôtres à tout hasard.

A Tzaribrod, je me crois soudainement transporté en Russie. Voici une enseigne bien russe : Dimitri Bochoff ; c’est cependant