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Sophia. De toutes parts s’étend, à perte de vue, l’immense plaine déserte, sauf vers le sud, où s’élève l’imposant massif granitique du Vitosch, dont le sommet, à l’altitude de 2,330 mètres, conserve de la neige une partie de l’année. Mais cette montagne, assez imposante de ligne, est complètement dénudée. Les arbres y ont été coupés et les chèvres n’y laissent repousser que des broussailles. On vient de faire contre elles un règlement sévère qui permettra aux chênes et aux hêtres de repousser. La seule promenade est celle de Bali-Effendi, où, à côté d’un ruisseau et de quelques saules, se trouvent un bon restaurant et des cafés. On y arrive par une route poudreuse, sans ombre, où les chevaux et les voitures soulèvent une poussière si épaisse qu’on en est aveuglé. La steppe commence au sortir de la ville, sans transition. Aux alentours, les arbres font complètement défaut. Chez le consul d’Angleterre, on discute longuement la question de savoir s’il y en a trois ou quatre. Les Turcs les ont coupés, comme en Bosnie, pour éviter les surprises, Dans la plaine, grande comme dix fois la campagne romaine et bien plus déserte et mélancolique, il y a, paraît-il, des villages cachés dans les plis des terrains. Invisibles à distance, ils sont habités par la tribu des Chops, qui descendent, croit-on, des Petchènegues vaincus, que les Byzantins ont établis ici au XIe siècle. Le climat est très rude sur ce plateau situé à 545 mètres au-dessus du niveau de la mer. L’hiver, la bise vous gèle et l’été, le soleil vous grille. Souvent aussi le sol est ébranlé par les tremblemens de terre. Celui de 1858 a renversé un grand nombre de maisons et fait jaillir des sources thermales. Et le pire est que, quand on veut s’en aller, il faut deux jours d’un voyage fatigant et d’une durée incertaine, pour regagner soit le Danube au nord, soit le chemin de fer ottoman à Tatar-Bazardjik. Le siège du gouvernement aurait dû être Tirnovo, qui se trouve dans une ravissante vallée descendant des Balkans et, qui est la capitale historique, Sophia, placée à l’extrémité sud-est du pays, est si éloignée de tout, que certains députés n’y arrivent qu’après cinq ou six jours de voyage. On attribue le choix de cette ville à deux motifs principaux. Premièrement, elle est assise sur la grande ligne stratégique et sur le chemin de fer qui réunira l’Occident à Constantinople. En second lieu, située sur le versant sud des Grands-Balkans, elle est plus rapprochée que Tirnovo de la Roumélie et de la Macédoine, dont elle doit un jour devenir la capitale. Cette dernière considération rentrerait dans celles qui ont dicté le traité de San-Stefano.

La première chose à faire pour rendre le séjour de Sophia plus agréable serait de créer près de la ville un grand parc comme celui