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dans la péninsule : « La Macédoine offre en ce moment l’exemple de la condition d’une province soumise an joug de la Turquie. L’anarchie règne partout : le gouvernement est sans autorité, ou bien il refuse de faire usage de celle qu’il possède. Il n’y a nulle part ni ordre, ni sécurité, ni pour les personnes, ni pour les propriétés. Là où passe un chemin de fer, on risque d’être assassiné à deux cents pas des gares. Hors des portes des villes, la vie est eu danger. Les marchands n’osent voyager qu’avec une forte escorte, et, souvent, ils sont enlevés, rançonnés ou égorgés malgré l’escorte ou avec sa complicité. Chaque jour, quelque raya est assassiné par les beys albanais ou turcs, qui outragent les femmes, pillent les villages ou lèvent sur eux de fortes rançons, et il n’y a moyen d’obtenir des autorités turques ni protection, ni répression. Et tout cela se passe sons les yeux des Bulgares affranchis et frémissant d’indignation. » (On Bulguarian Affairs, p. 80.) M, Arthur Evans, qui, récemment, vient de visiter la Macédoine, trace de cet infortuné pays un tableau tout aussi affligeant et peint sur le vif.

La publicité est le seul moyen de porter remède à une situation plus cruelle que nulle autre en ce monde. Aussi les patriotes de Sophia ont-ils eu raison de fonder un journal, la Voix de la Macédoine, où est publié en français le récit de tous les crimes commis en Macédonie, ainsi que l’a fait, avec tant de courage, M. Arthur Evans dans les journaux anglais. En envoyant cette feuille aux députés et aux ministres des grandes puissances, on finira par créer dans l’opinion publique un tel sentiment d’indignation, que le gouvernement turc se rappellera les obligations que le traité de Berlin lui a imposées, ou que l’Europe, enfin remuée, interviendra comme en 1828 et en 1870.

— D’après le dernier recensement, dont j’ai vu les élémens classés avec soin par M. Sarafof, la Bulgarie comptait, en 1881, 349,905 ménages établis dans 339,870 maisons, chacun avant donc la sienne ; 1,016,730 hommes et seulement 975,253 femmes, total : 1,998,983. Les chiffres suivans, relatifs à la production et à l’exportation, donnent une idée de la richesse du pays. Production : froment 800,000 tonnes ; maïs 150,000 ; orge 375,000 ; seigle 185,000 ; avoine 225,000. Le nombre des têtes de gros bétail est de 489,115. L’exportation de céréales diverses s’élève, année moyenne, à plus de 200,000 tonnes, dont 78,684 expédiées par les ports du Danube, Routschouk, Nicopoli, Sistow, Rahowa, I.om-Palanka et Widdin, et le reste par le port de Varna sur la Mer-Noire. Les transports, à défaut de chemins de fer, doivent se faire par charrette, et comme on paie de 1 à 2 francs par tonne-kilomètre, les marchandises pondéreuses ne peuvent être