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la lutte, on ne leur fit aucune grâce. Les ministres calvinistes cherchèrent une mort volontaire dans la Meuse. Alexandre faillit mourir au milieu de sa victoire ; il tomba gravement malade ; mais, un abcès étant crevé, il recouvra rapidement la santé et fit son entrée triomphale parmi 20,000 hommes de guerre, parés de hoquetons, de chaînes d’or, de casques chargés de plumes. On entra par la brèche de la porte de Bruxelles : Alexandre, encore faible, était porté sur une chaise dorée. Il fit traiter avec grand soin Tanin et le fit conduire à Limbourg, où ce brave soldat mourut de ses blessures. En portant son heureux effort sur Maëstricht, Alexandre Farnèse s’assurait d’une position de la plus haute importance, politiquement et stratégiquement. Il se plaçait sur le flanc des Pays-Bas, toujours prêt à couper en deux les Provinces-Unies, et, en cas de défaite, à se replier sur la Meuse et le pays wallon.

Si l’argent n’eût pas manque à Farnèse, la conquête de toute la Belgique aurait suivi d’assez près la prise de Maëstricht ; mais, non content de le laisser sans argent, Philippe II lui ordonna de congédier les Espagnols. Le prince fut désespéré et demanda la permission de retourner en Italie. Philippe la lui refusa et lui permit seulement de faire de nouvelles levées chez les Wallons. Il fallut licencier les Espagnols en leur promettant que l’arriéré de leur solde leur serait payé à Milan. Alexandre leur distribua nombre de chaînes d’or, de bagues, de casques, d’épées, de poignards. Il fallut renvoyer du même coup les Bourguignons et les Allemands. Sitôt que les troupes étrangères furent parties, les Hollandais reprirent leur audace. Montigni prit Courtrai ; l’Anglais Norris surprit Malines et mit la ville au pillage pendant un mois : on garda longtemps le souvenir de ce pillage sous le nom de « la furie d’Angleterre. » Alexandre tint conseil à Mons, avec le marquis de Roubaix, le comte de Lalaing, le comte de Rossinghem, et leva une armée de 30,000 hommes de pied et de 6,000 chevaux. Roubaix fit lever le siège de Ninove et fit prisonnier La Noue ; le duc de Parme traita le huguenot français avec les plus grands égards, mais le retint prisonnier pendant cinq ans.

C’est au moment où le prince organisait une armée en quelque sorte nationale que Philippe II envoya Marguerite de Parme pour gouverner avec lui la Belgique. La régente n’avait obéi qu’à regret aux ordres du roi ; elle arriva à Namur, où son fils vint la recevoir, quand les Allemands se mutinaient pour obtenir leur solde ; à peine avait-elle passé quelques jours avec lui, il dut courir à Mons : partout les garnisons réclamaient leur paie, celle de Maëstricht menaçait d’ouvrir les portes aux Hollandais ; Alexandre fut contraint de donner aux mutins 2,000 écus que son père Octave lui envoyait.