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— une grosse et longue controverse, celle-là ; nous en avons sur les jésuites, sur les convulsionnaires, sur les engouemens du jour, les aérostats, la tactique de Guibert, les sciences qui se font mondaines. « Les métaphysiciens et les poètes ont en leur temps, fait remarquer notre chroniqueur : les physiciens systématiques leur ont succédé ; la physique systématique a fait place à la physique expérimentale, celle-ci a la géométrie, la géométrie à l’histoire naturelle et à la chimie, qui ont été en vogue ces derniers temps et qui partagent les esprit avec les affaires de gouvernement, de commerce, de politique, et surtout la manie de l’agriculture, sans qu’on puisse deviner quelle sera la science que la légèreté nationale mettra à la mode par la suite. » Et, à côté de ces amusettes scientifiques, les divertissemens proprement dits. Tout le monde, un jour, s’est mis à jouer des charades ; voici l’éclosion du proverbe ; il y a des séances de ventriloquie. Il n’est pas jusqu’au parfilage et au trou-madame qui ne figurent chez Grimm à leur date.

La Correspondance fait une part aux nouvelles. Les lecteurs sont tenus au courant des causes célèbres, des intrigues académiques. Grimm n’est pas tendre pour l’Académie ; il la représente « partagée entre deux partis ou factions : le parti dévot, qui réunit aux prélats tous les académiciens mincement pourvus de mérite, et d’autant plus empressés, par conséquent, à faire leur cour avec bassesse ; et le parti philosophique, que les dévots appellent encyclopédique, qui est composé de tous les gens de lettres qui pensent avec un peu d’élévation et de hardiesse, et qui préfèrent l’indépendance et une fortune bornée aux faveurs qu’on n’obtient qu’à force de ramper et de mentir. Il y a, au reste, dans ces deux partis, comme entre armées opposées, un fond de déserteurs qui se rangent, suivant la fortune, de l’un ou de l’autre côté, et dont l’un ou l’autre se fortifie en les méprisant également ; il y a aussi de ces âmes fières et libres qui dédaignent d’être d’aucun parti, comme M. de Buffon, par exemple, et que leur neutralité expose à la calomnie des deux factions. » Nous avons vu que Grimm se défendait de rapporter des anecdotes ; il en conte pourtant quelques-unes en courant et il les conte bien. Mais faut-il vraiment croire au récit qu’il nous fait des impiétés de Chanteloup ? La charmante petite duchesse de Choiseul écoutait-elle sans sourciller les couplets dont sa société saluait le saint-esprit en parfilage d’or que la princesse de Beauvau avait envoyé à la duchesse de Grammont ? A considérer le cercle dans lequel ces plaisanteries se produisaient, ce serait certainement une pièce à mettre au dossier du XVIIIe siècle. Les articles nécrologiques donnent lieu parfois à de remarquables portraits. Il y a de la gaîté, et peut-être un peu de caricature, dans celui du chimiste Rouelle ;