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Palatinat, solidement établie sur le Rhin, la république semblait désormais invulnérable, il y avait cependant plus d’une ombre à ce tableau : ni l’Angleterre n’était d’humeur à reculer, ni la Vendée n’avait encore dit son dernier mot ; Effectivement, si les chefs vendéens et bretons s’étaient soumis, ce n’était pas seulement par lassitude, ni surtout qu’ils fussent ralliés à la république, c’était qu’ils en avaient reçu l’ordre du prétendant. Il entrait pour l’instant dans les vues du comte de Provence que ses partisans désarmassent, sauf à reprendre l’offensive un peu plus tard pour appuyer le mouvement qui se préparait sur un autre théâtre et par d’autres moyens. En attendant, ils continuaient d’intriguer et de tout disposer en vue d’un nouveau soulèvement.

Un seul peut-être, le vicomte de Scépeaux, faisait exception et semble bien, d’après les lettres autographes que j’ai sous les yeux, avoir été d’une absolue bonne foi. « Nous venons d’apprendre avec la plus vive douleur ; écrivait-il à Muscar le 18 mars 1795, l’acte infâme que quatre de nos soldats ont commis. Qu’il est heureux que ces coquins n’aient pas fait périr de braves gens que nous estimons sans avoir l’honneur de les connaître : Que de regrets nous leur témoignerions si nous pouvions les joindre ! En attendant que nous puissions le faire, nous vous renvoyons les chevaux, les sabres et les manteaux. L’exemple rigoureux que nous allons faire, et que vous apprendrez, vous convaincra que nous ne trempons nullement dans la conduite que tiennent quelques-uns de nos soldats. Si vous voyez ces quatre messieurs, qui ont été si maltraités, daignez leur témoigner nos sent mens et soyez plus que persuadés que nous travaillons avec zèle au rétablissement de l’ordre et de la tranquillité.

« Signé : SCEPEAUX ET COUSIN, dIt COEUR-DE-LION. »

Muscar était trop ¨honnête et trop français pour ne pas se réjouir de trouver chez ses adversaires de la veille autant de loyauté, et c’est dans les termes les plus courtois qu’il leur répondit. Même « pour leur témoigner l’excès de sa sensibilité, » il eût bien voulu leur faire accepter « un repas fraternel, où il eût achevé de les convaincre combien leurs cœurs et leurs opinions étaient prêtes à sympathiser. » Scépeaux s’excusa : pour ma part, je le regrette. Il eût été piquant de voir assis à la même table, et choquant leur verre, l’ex-sergent à Vivarais et le noble vicomte breton. Les guerres de Vendée n’eurent malheureusement pas beaucoup de traits semblables ; dans cette lutte antinationale, les plus précieuses qualités du caractère et de l’esprit français s’étaient singulièrement altérées. Avec l’humanité la Terreur avait banni des armées toute politesse et toute chevalerie. En les retrouvant après une si