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d’Orange. En cet espace de deux siècles qui vit l’enfantement et la croissance de l’église anglicane, qui est à vrai dire la période critique du royaume britannique, la France est tour à tour l’alliée on l’adversaire de L’Angleterre, suivant le hasard des événemens ou le caprice du prince ; l’Espagne est toujours l’ennemi héréditaire.

Voici un écrivain amoureux des traditions de son pays qui s’efforce, après avoir étudié les annales, de reproduire la physionomie de l’époque plutôt que les faits, Hepworth Dixon n’est pas un historien classique, ni par les idées ni par la méthode ; s’il a étudié l’histoire par occasion, il y a été amené de loin, après s’être essayé dans d’autres genres bien différens. Après avoir débuté, jeune encore, dans des journaux de province, il avait tenté la fortune du barreau avec peu de succès ; puis il était revenu à la littérature et y avait réussi. De 1853 à 1869, il dirigea l’Athenœum, qui fut entre ses mains un précieux recueil d’informations littéraires. Malgré les soins constans qu’exige une publication hebdomadaire, il trouvait le temps d’être un touriste intrépide. Parcourant tour à tour la terre-sainte, l’Amérique, la Russie, il racontait au retour ses impressions de voyage, s’attachant toujours à peindre sous un aspect nouveau les pays qu’il avait visités[1] ; mais, à toute époque et en toute contrée, il a toujours en vue la grandeur de sa patrie, les causes de sa prospérité actuelle ou de ses malheurs du temps passé. Hepworth Dixon a donné trois gros ouvrages sur les temps déjà anciens où s’est formée la nation anglaise : il y a raconté l’histoire à sa manière, plus anecdotique que précise ; peut-être est-ce le meilleur moyen de bien décrire l’esprit du temps. On n’y trouvera pas un mot de haine ou même de simple rancune contre la France ; en revanche, la papauté et l’Espagne y sont les ennemis de tous les instans. Il nous est facile, à nous qui avons eu d’autres intérêts en jeu du XVIe au XVIIIe siècle de dire que l’auteur n’est pas un juge impartial. Il n’est pas cependant sans intérêt de voir comment un Anglais apprécie à son point de vue les hommes et les événemens de cette époque.


I

Lorsque Henri VII fut proclamé roi sur le champ de bataille de Bosworth (1485), l’Angleterre ne ressemblait plus à ce qu’elle avait été sous Henri V. soixante-dix ans auparavant. Bien que le souverain portât encore le titre de roi d’Angleterre, de France et d’Irlande, il ne comptait guère plus en Europe que le doge de Venise ou le roi d’Ecosse. Trente années de guerres civiles avaient épuisé le pays, anéanti la plupart des familles nobles, ruiné les villes et les

  1. Voir la Nouvelle Amérique, par M. É. Montégut, dans la Revue du 1er mai 1868, et la Russie libre, par M. Cailliatte, dans la Revue du 15 avril 1871.