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Jules II fut élu. Henri VII se trouva dès lors avoir à Rome un défenseur influent en la personne du cardinal d’Amboise, qui, dans l’intérêt de son pays, voulait marier l’héritier du trône d’Angleterre avec une princesse française. La victoire remportée à Garigliano par Gonzalve de Cordoue sur les troupes françaises rendit, il est vrai, l’influence de l’Espagne prépondérante auprès du saint-siège. Jules II aimait trop l’Italie, il était trop jaloux de son indépendance, trop adroit politique, pour céder sans résistance aux injonctions de Ferdinand. Le cas de conscience qui préoccupait les principaux souverains de l’Europe avait été soumis à l’examen de deux vieux cardinaux ; l’un d’eux était malade, il fallait attendre. À ce moyen dilatoire il fut répondu par un subterfuge. « La reine Isabelle est mourante dans son château de Médina del Campo, vint raconter l’ambassadeur d’Espagne. C’est pitié de lui refuser la décision qui fixera le sort de sa fille. » L’armée française était loin ; l’armée espagnole menaçait Rome. Les cardinaux n’avaient pas encore émis leur-opinion. Le pape crut se tirer d’affaire en donnant l’écrit qu’on lui demandait, sous condition que personne autre que la reine n’en aurait connaissance. Le sceau pontifical n’y était pas apposé. Ce n’était pas une bulle ; au fond, c’était un document assez formel pour que le pape ne pût plus se déjuger. Les souverains de l’Espagne se hâtèrent, contrairement à la promesse donnée, d’en faire part à tous leurs conseillers et d’annoncer à l’univers entier le mariage de Catherine avec le second prince de Galles.

Ce prince avait treize ans : il n’était donc pas d’âge à contracter mariage, pas même à s’engager pour l’avenir. Henri VII avait juré que, lui vivant, cette union ne s’accomplirait jamais. Catherine restait à sa cour avec le titre de princesse de Galles, que le veuvage ne lui enlevait pas. Ferdinand ne pouvait qu’attendre jusqu’à ce que le prétendu fiancé de sa fille eût l’âge requis. Enfin, Henri VII mourut. Son fils était alors dans toute la force de la jeunesse, bien fait, habile à tous les exercices du corps, instruit, poète même lorsqu’il voulait s’en donner la peine. Les factions opposées, que son père avait dû calmer à force de prudence, ne lui suscitaient aucun compétiteur. Ce règne s’annonçait bien. Henri VIII et Catherine se connaissaient depuis longtemps ; ils avaient su quels obstacles la politique, et plus encore la coutume, élevaient entre eux ; ils s’aimaient. Le premier acte du nouveau roi fut d’annoncer à sa belle-sœur qu’il tenait à l’épouser plus qu’à toute autre chose sur la terre. Les conseillers laïques du jeune roi étaient favorables à cette alliance parce qu’ils redoutaient Ferdinand, alors plus puissant que jamais ; les conseillers ecclésiastiques étaient divisés ; si les plus rigides tenaient toujours pour prohibée une union entre beau-frère et belle-sœur, d’autres se montraient plus sensibles aux