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l’infortunée reine de neuf jours que les partisans de la succession protestante lui avaient opposée ; elle fit enfermer sa sœur Elisabeth, sur qui se reportaient toutes les espérances des défenseurs de la religion anglicane.

C’est à cette sœur que la couronne devait revenir après elle à moins qu’elle ne se mariât et qu’elle n’eût des enfans. Son premier souci était donc de choisir un époux, mais où le prendre ? Les Anglais auraient voulu qu’elle épousât son cousin Courtenay, petit-fils d’Edouard IV par sa mère et rejeton d’une des plus nobles familles du royaume. Jeune encore. Courtenay avait passé presque toute sa vie en prison parce qu’il était regardé, comme un compétiteur dangereux : son père avait été mis à mort. Une union entre lui et la reine eût été un gage de paix et de stabilité, Mais l’influence prépondérante de Renard détermina Marie à préférer un prince espagnol. Philippe, fils de Charles-Quint. La nation tout entière s’indigna de ce choix. Sur le conseil de son ambassadeur, Philippe vint en Angleterre accompagné de ses cuisiniers et d’une garde nombreuse : il n’osa se montrer en public que revêtu d’une cotte de mailles. Il avait tout à craindre, le poison dans ses alimens aussi bien que l’assassinat en pleine rue. Froid, débauché, dédaigneux, il ne s’était résigné d’ailleurs à ce mariage que par pure ambition, et il ne fut pas long à s’apercevoir qu’il ne pouvait pas plus espérer un héritier que se concilier l’affection de ses nouveaux sujets. Il retourna sur le continent avant même d’y avoir été rappelé par l’abdication de son père. Ce mariage ne fit qu’accentuer la haine que les Anglais manifestaient déjà contre l’Espagne.

L’avènement de la reine Elisabeth fut une revanche du sentiment national aussi bien que de l’église anglicane. Les actes de cruauté que nos historiens reprochent à cette reine ne sont, aux yeux des Anglais, que des actes de légitime défense. Voici, par exemple, la décapitation de Marie Stuart. Les malheurs de cette princesse, trois fois veuve et toujours victime des événemens, toujours belle et séduisante, lui ont valu une sorte d’auréole. Nous nous apitoyons sur les épreuves qu’elle a subies plus que nous ne nous indignons des crimes auxquels elle a coopéré. Mais les Anglais n’ont-ils pas quelque motif d’en juger autrement ? Elle est à peine entrée dans une prison du Yorkshire, après une dernière défaite de ses partisans, qu’arrive en Angleterre la bulle de Pie V qui excommunie Elisabeth et tous ses adhérens, la déclare bâtarde et déchire de tous droits à la couronne. Un peu plus tard, les catholiques des frontières d’Ecosse s’insurgent sous la conduite d’un des plus grands seigneurs du royaume, Percy, comte de Northumberland. En France, le massacre de la Saint-Barthélemy terrifie les protestans de toute l’Europe. Cependant les années s’écoulent, et Marie Stuart pourrait se laisser