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Syracuse, dans le temple de Minerve, une suite de tableaux représentait tes incidens d’une bataille de cavalerie livrée par Agathocle. « Il n’y a pas, dit Cicéron, de peinture plus fameuse et qui attire plus les étrangers. » Ils allaient voir aussi, dans le même temple, des portes sculptées, comme on visite celles de Ghiberti à Florence. On les louait pour une œuvre admirable, et les critiques d’art de la Grèce avaient composé plusieurs ouvrages pour en détailler les beautés. Ce qui paraissait plus curieux encore, c’était de voir rangés le long des murs les dons qu’on avait offerts aux dieux ; il y en avait de toute sorte. Pline le jeune raconte qu’ayant fait un héritage, il s’était permis d’acheter une statuette en airain de Corinthe, représentant un vieillard debout, qui lui semblait un bel ouvrage. « Je n’ai pas l’intention, nous dit-il, de la garder pour moi. Je veux l’offrir à Côme, ma patrie, et l’y placer dans un lieu fréquenté, de préférence dans le temple de Jupiter : c’est un présent qui me semble digne d’un temple, digne d’un dieu. » En effet, de belles statues n’y sont pas déplacées, même quand elles ne représentent pas la divinité qu’on vient y prier ; mais il y avait bien autre chose. Pour ne parler que de ceux de la Sicile, Cicéron rapporte qu’on y voyait des tables de marbre, des vases en airain, des lingots d’or, des dents d’ivoire d’une grandeur extraordinaire, et, pendant aux murs, des casques, des cuirasses travaillées avec goût, ainsi que des piques de bois, qui sans doute avaient servi de sceptre aux anciens princes du pays. Les temples n’étaient donc pas seulement des musées, comme on l’a dit souvent, mais de véritables magasins de curiosités.

Au milieu de ces richesses entassées, il devait être quelquefois difficile au voyageur inexpérimenté de se reconnaître. Heureusement, il avait la ressource de s’adresser à des personnages empressés et obligeans, dont la race ne s’est pas perdue en Italie, qui faisaient profession de guider les étrangers et de leur faire admirer les monumens antiques. On les appelait mystagogues ou périégètes. Il y on avait beaucoup en Sicile, comme dans tous les pays de la Grèce que visitaient les curieux, et Cicéron nous les dépeint fort embarrassés après que Verrès eut dévalisé tous les temples. « Ne pouvant plus, dit-il, faire voir les objets précieux, qui n’y sont plus, ils sont réduits à montrer la place qu’ils occupaient ; » ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Indépendamment des monumens publics, gymnases, théâtres ou temples, qui contenaient tant d’œuvres remarquables, il y avait en Sicile beaucoup de galeries qui appartenaient à des particuliers et que les étrangers étaient admis à visiter ; c’est ce qui arrive encore aujourd’hui à borne et dans les villes importantes de l’Italie.