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ne pas confondre… Mais, avant d’arriver au dernier des Clouet, parlons de ses ancêtres.

C’est de Bruges et de Gand que, au commencement du XVe siècle, surgit la première inspiration d’où l’art septentrional est sorti. De 1420 à 1440, les Van Eyck avaient ouvert des voies nouvelles où nos peintres allaient probablement trouver la leur, quand intervint l’Italie, qui nous entraîna dans sa décadence ; mais le courant flamand, qui avait le premier débordé sur la France, n’en continua pas moins de s’y répandre et d’y apporter des germes de fécondité. Par l’esprit, par les mœurs, par la politique, les Flandres étaient alors très rapprochées de nous, beaucoup plus rapprochées même, quoiqu’elles ne dussent jamais nous appartenir, que la Bretagne ou la Guyenne, qui devaient nous revenir bientôt. Leurs souvenirs et les nôtres n’étaient-ils pas liés par d’étroites parentés ? La Belgique, avant d’être à l’Autriche, n’avait-elle pas été à la Bourgogne, qui allait devenir une des parties les plus françaises de la France ? Cette intimité, cette similitude de caractère, la Flandre nous les fit sentir surtout par l’intermédiaire de ses peintres de portraits. Dès qu’ils arrivèrent chez nous, ils y furent comme chez eux, sans être obligés pour cela de renier leur patrie. Les Clouet sont les types par excellence de ces peintres qui, Flamands d’origine, fondèrent en France une école de portraitistes vraiment française. Le premier des Clouet dont l’histoire ait retrouvé la trace est Jean Clouet. On a de lui une quittance datée du « VIIe jour de septembre l’an mil CCC LXXV, » pour travaux commandés par le duc de Bourgogne. À cette époque, il habitait Bruxelles. Quelques années plus tard, il vint en France, se fixa vraisemblablement à Tours, centre actif du royaume, et compta bientôt parmi les meilleurs peintres de cette ville. C’est vers l’année 1485 que dut naître son fils, qui, lui aussi, s’appela Jehan… Voilà tout ce qu’on sait du premier des Clouet. On ignore tout de sa vie et l’on ne connaît rien de ses œuvres. Les portraits qu’il a peints se confondent, sous le voile de l’anonyme, avec les nombreux portraits flamands, bourguignons et français de la fin du XVe siècle et du commencement du XVIe. Peut-être, sans nous en douter, passons-nous devant eux. Ce qui est sûr, c’est que Jean Clouet, élève de la grande école des Yan Eyck, transmit à son fils, comme un apanage patriotique, l’inviolable fidélité aux traditions nationales.

Jean Clouet, deuxième du nom, marcha, en effet, d’un pas ferme et d’un bout à l’autre de sa vie dans la voie que lui avait tracée son père. Rien ne put entamer sa foi. Dévoué tout entier à un art qui portait désormais l’irrécusable empreinte de la France, il n’en tint pas moins bravement le drapeau de ses ancêtres. Il avait treize