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marche toujours à tâtons dans ces mystérieux parages. Jean Clouet résume en lui une foule d’artistes complètement oubliés. On ne peut rien lui donner avec certitude, et on lui attribue indifféremment presque tout. Ce qui est incontestable, c’est qu’il fut célèbre parmi ses contemporains, et que le surnom de Jehannet, qu’il avait lui-même adopté, devint le seul nom dont on appela tous les Clouet durant près de trois siècles.

Une ordonnance royale, datée de Fontainebleau en novembre 1541, établit la filiation des Clouet et donne sur François, le dernier d’entre eux, quelques indications précises. On y voit d’abord que, avant l’avènement de François Ier, Jehannet (le second des Clouet) était venu de Belgique s’établir en France avec son père, le premier Jean Clouet, et qu’il était mort à Paris avant le mois de novembre 1541. On y constate ensuite qu’il n’avait pas abandonné sa nationalité de Flamand, mais que, tout étranger qu’il fût, il était fort estimé du roi, qui l’avait attaché à sa personne en qualité de valet de chambre ordinaire. On y apprend aussi qu’il laissait un fils du nom de François, pourvu déjà du titre de valet de chambre de Sa Majesté et dont le talent était apprécié à la cour. On y trouve enfin que François Clouet, dépouillé de l’héritage paternel par la loi en vertu de laquelle tous les biens d’un étranger mourant en France faisaient retour à la couronne, venait d’être réintégré dans son patrimoine et appelé à jouir désormais de la qualité de Français. Quel âge avait alors François Clouet ? On l’ignore. Un acte du 6 juin 1522, retrouvé par M. Salmon dans les registres de minutes d’un notaire de Tours, acte en lui-même fort insignifiant puisqu’il n’y est question que de la vente d’une rente en grains, nous intéresse cependant par le nom des vendeurs : « Maistre Jehannet Clouet, painctre, varlet de chambre ordinaire du roy nostre seigneur, et Jehanne Boucault, sa femme, fille de sire Gracian Boucault, orfeuvre, bourgeois dudit Tours… » On a donc, par preuve authentique, non-seulement le nom du père de François Clouet, mais aussi le nom de sa mère. Cela, il est vrai, ne dit pas la date de sa naissance et quel âge il avait en 1541, quand, ayant perdu son père, il devint lui-même chef de la famille des Clouet. On peut croire, sans invraisemblance, qu’il avait alors une trentaine d’années, ce qui le ferait naître vers 1510 et ce qui ferait commencer sa période d’activité vers 1535[1].

François Clouet fut aussi insensible aux séductions du Primatice que Jean Clouet l’avait été à celles du Rosso. Indifférent à la gloire

  1. Un quatrième Clouet, fils aussi du second Jean et frère de François, mourut jeune en 1541. Il avait été adopté par la reine de Navarre, qu’il suivit en Béarn et dont il fit de nombreux portraits.