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Nous en savons assez, dès maintenant, pour distinguer Janet de ses imitateurs et pour ne le plus confondre avec d’autres portraitistes du même temps, qui furent aussi des maîtres. On voit, depuis plus d’un demi-siècle, au musée du Louvre, le portrait du roi Charles IX et celui du comte de Brissac placés dans un même cadre et sous l’attribution commune de Jehannet, bien que ces deux peintures soient tout à fait dissemblables. La Notice imprimée en 1855 n’a maintenu, il est vrai, le nom de François Clouet que pour le portrait de Charles IX, mais elle a mis le portrait du comte de Brissac à l’actif de l’école des Clouet, et c’est là une erreur. L’artiste qui a exécuté ce portrait a vu la nature d’une tout autre manière que Janet, ce qui ne l’a pas empêché d’être, pour son propre compte, un très remarquable peintre. Dans le portrait du comte de Brissac, rien ne répond au signalement que nous avons donné des œuvres de François Clouet. Autant il y a de réserve et de tenue dans le portrait de Charles IX, autant il y a d’indépendance et de laisser-aller dans celui de Brissac. Le coloris de ce dernier est plus chaud, plus flamand. L’artiste qui a exécuté ce portrait est un moins grand dessinateur que Janet, mais il est plus peintre. Certaines parties de la tête, l’oreille notamment, sont plutôt indiquées que faites. Clouet ne se laisse pas aller à de pareilles négligences. Les fonds, d’un vert émeraude ou d’un bien turquoise, ne sont pas non plus dans les habitudes de François Clouet, qui, généralement, place ses personnages sur des fonds perdus de couleur sombre. Cette remarque, cependant, n’a rien d’absolu, témoin le petit François II du musée d’Anvers. Faut-il donner à Corneille de Lyon le portrait du comte de Brissac, de même que les portraits du maréchal de Saint-André et d’Antoine de Bourbon-Vendôme que nous voyons également au Louvre ? On ne peut faire que des suppositions à l’égard de ce maître, pour lequel nous ne possédons pas, jusqu’à présent, ce qui nous est acquis pour François Clouet, une œuvre authentique et indéniable qui puisse servir de point de départ pour en découvrir d’autres. Ne nous aventurons pas, d’ailleurs, sur un terrain qui n’est pas le nôtre en ce moment et que recouvre encore une complète obscurité. Contentons-nous d’écarter de Janet ce qui lui est étranger, n’allons pas au-delà.

Dans le grand salon carré du musée du Louvre, le Portrait d’Elisabeth d’Autriche, par François Clouet, se trouve au-dessous du Portrait d’Anne de Clèves, par Holbein. Le peintre des Valois semble s’être mis là sous la protection du peintre de Bâle. Il a, en outre, à ses côtés Memling, représenté par le Mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie, et vis-à-vis de lui sur la paroi opposée, Jan Van Eyck, avec la Vierge au donateur ; de sorte que, d’un même regard, on peut embrasser dans ses origines et dans ses