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ROBERT SCHUMANN

« Mon âme est sombre ! Hâte-toi d’accorder la harpe que je peux encore entendre ! Que sous tes doigts charmans s’exhalent des soupirs qui touchent mes oreilles ! Si dans mon cœur il reste une espérance, tes concerts l’enchanteront encore. Si dans mes yeux une larme se cache, elle coulera et ne brûlera plus mon cerveau.

« Mais que ton chant soit sauvage et profond ! que tes accens ne soient pas joyeux ! Je te le dis, ménestrel, il faut que je pleure, ou ce cœur gonflé se brisera. Il a été abreuvé de chagrin ; il a souffert longtemps dans l’insomnie et le silence ; et maintenant il faut qu’il éclate s’il ne cède à l’harmonie. »

De celle mélodie hébraïque de lord Byron, Schumann a fait un de ses lieder les plus beaux, mais les moins connus. Il a mis dans ces strophes un accent déchirant ; il a exalté jusqu’au paroxysme cette plainte désolée. Le musicien est tout entier dans cette brève mélodie. En elle on peut tout admirer : l’intelligence du texte, la hauteur de l’inspiration et la sombre énergie de ces sauvages concerts. Qui donc chante ainsi ? Ce n’est pas, comme le titre pourrait le faire croire, David devant Saül, mais Schumann lui-même ; c’est lui qui chante et qui pleure ; lui qui

Presse en criant sa harpe sur son cœur !