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attaque venant de l’intérieur de l’île, au moyen d’un fortin établi au centre de l’isthme.

Nous ajouterons que cette acquisition serait d’autant plus précieuse pour nous, que depuis la perte de l’île de France, nous ne possédons plus dans ces mers aucun port de refuge pour nos navires, et que l’incertitude qui continue de régner sur l’heureuse issue des travaux actuellement entrepris à l’île de la Réunion en vue du creusement d’un port à la Pointe des galets ne permet pas de croire que nous soyons à la veille de voir combler cette lacune.


II

Nous arrivons au grief articulé contre les Hovas, relativement à l’inexécution par eux de certaines stipulations du traité de commerce intervenu en 1868 entre la France et la reine Ranavalo II. Après la mort de la reine Ranavalo, le 18 août 1861, le prince Rakout, son fils, que la reine avait déjà, de son vivant, désigné pour son successeur, fut proclamé roi sous le nom de Radama II. Dès qu’il fut informé de cet événement, le gouvernement français envoya, en janvier 1862, M. Brossard de Corbigny, capitaine de frégate, à Tananarive, pour porter au nouveau souverain ses complimens de condoléance, ainsi que ses félicitations à l’occasion de son avènement.

Le premier soin de Radama II avait été de rappeler ceux de ses amis, entre autres MM. Lambert, de l’île Maurice, et Laborde, consul de France, qui avaient été exilés sous la feue reine comme complices d’une conspiration tramée en 1857 en vue de la détrôner[1]. M. Lambert, frère de sang de Radama[2], qui avait en l’occasion de rendre d’importans services à ce prince, s’empressa d’accourir à son appel, et Radama, dans l’effusion de sa reconnaissance, ne crut pouvoir moins faire que de se dépouiller en sa faveur des plus précieuses prérogatives de la couronne, en lui concédant, à titre exclusif, par une charte privée, l’exploitation des mines, des forêts et des terres en friche de son royaume, avec le droit d’ouvrir des routes, de creuser des canaux, d’établir des ports, de fonder des usines, et même de battre monnaie. Dans un élan plus généreux que réfléchi, ce prince, qui était animé sans doute des plus louables intentions, mais qui prouva dans cette circonstance combien il

  1. Ce complot eut lieu, en effet, et n’échoua que par la pusillanimité des conjurés indigènes, qui se dérobèrent au moment décisif ; cette aventure faillit entraîner de très fâcheuses conséquences pour les quelques Européens qui s’y trouvèrent impliqués.
  2. Pour les cérémonies bizarres qui accompagnent le fatidrah ou serment du sang, nous renvoyons les lecteurs aux différens auteurs qui ont écrit les mœurs et coutumes des Malgaches.