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Et souffletant alors la tête épouvantable :
— Vous avez vu, vous tous, il m’a rendu raison !
Ruy, sieds-toi sur mon siège au haut bout de la table.

Car qui porte un tel chef est chef de ma maison. —


LE TRIOMPHE DU CID.


De Rodrigo de Bivar
Muy grande fama corria
Cinco reyes ha vencido
Moros de la Moreria
(Romancero del Cid.)


Les portes du palais s’ouvrirent toutes grandes
Et le roi don Fernan sortit pour recevoir
Le jeune chef rentrant avec ses vieilles bandes.

Quittant cloître, métier, champ, taverne et lavoir,
Clercs, bourgeois ou vilains, tout le bon peuple exulte ;
Les femmes aux balcons se penchent pour mieux voir.

C’est que, vengeur du Christ que le Croissant insulte,
Rodrigue de Bivar, vainqueur, rentre aujourd’hui
Dans Zamora qu’emplit un merveilleux tumulte.

Il revient de la guerre et partout devant lui,
Sur son genet rapide et rayé comme un zèbre
Le cavalier berbère en blasphémant a fui.

Il a tout pris, pillé, rasé, brûlé, de l’Ebre
Jusques au Guadiana qui roule un sable d’or,
Et de l’Algarbe en feu monte un long cri funèbre.