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Widdin, dirigeant un autre corps vers Trun, et se portant lui-même avec le gros de ses forces du Nisch sur Pirot, puis sur la route de Sofia par le délité de Dragoman, qu’il avait à enlever. Un instant tout a semblé marcher au gré du roi Milan, qui n’a rencontré d’abord qu’une faible résistance. On voyait déjà le jeune conquérant serbe arrivant en triomphateur à Sofia pour trancher la question bulgare, — en réclamant bien entendu le prix de sa victoire. On l’a cru d’autant plus aisément que le prince Alexandre, surpris par cette brusque invasion se hâtait de faire une sorte de soumission au sultan, en invoquant presque son secours, en lui annonçant qu’il quittait avec ses troupes Philippopoli et la Roumélie orientale ; mais c’est ici que commence l’imprévu. Loin d’être découragé connue il le paraissait, le prince Alexandre de Battenberg s’est, au contraire, porté résolument avec la plus grande partie de son armée au-devant des Serbes, au défilé de Dragoman, à Slivinitza, et c’est là que le roi Milan a vu s’évanouir son rêve de conquête ! Bref, les Serbes ont été complètement défaits par les Bulgares dans une série d’engagemens sanglans, habilement conduits par le prince Alexandre. Les Serbes n’ont plus eu bientôt d’autre ressource que de battre en retraite, et le jeune vainqueur de Slivinitza, à son tour, rendant à ses adversaires guerre pour guerre, invasion pour invasion, les a suivis l’épée dans les reins jusque sur le territoire serbe ; il les a harcelés dans leur retraite, leur infligeant à chaque pas de nouvelles délaites, et il n’a pas tardé à arriver victorieusement à Pirot qu’il occupe maintenant, d’où il menace la route de Nisch. Ainsi en peu de temps, tout se trouve étrangement changé. Il y a peu de jours le roi Milan marchait sur Sofia, où il allait chercher des compensations pour la Serbie ; aujourd’hui, le prince Alexandre est à Pirot et il réclame naturellement, lui aussi, le prix de ses succès, ni plus ni moins que la cession d’un district serbe et bon nombre de millions d’indemnité de guerre. Jusqu’à quel point la victoire du roi Milan eût-elle aidé, comme on l’a cru un instant, à dénouer la question bulgare soulevée par la révolution de Philippopoli ? C’est là ce qui n’a plus qu’un intérêt rétrospectif. Jusqu’à quel point aujourd’hui les succès du prince Alexandre vont-ils faciliter cette solution ? C’est le problème et la difficulté du moment.

Pendant que ce drame de la guerre se jouait cependant, que faisait la diplomatie qui s’était chargée de régler pacifiquement les affaires bulgares ? Elle avait commencé par délibérer, non sans rencontrer bien des obstacles et sans être arrêtée à chaque pas, sur le rétablissement de l’ancien ordre de choses à Philippoli, sur l’envoi d’un représentant du sultan et d’une commission européenne dans la Roumélie ; elle avait les meilleures intentions. Malheureusement, la diplomatie n’a pas marché aussi vite que les événemens ; ce qu’elle a fait ou ce qu’elle a voulu faire, ne répond plus à des circonstances nouvelles, et la