Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/798

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette mesure fiscale. En revanche, on voit ici un nombre considérable de travailleurs appartenant à différens groupes de la Mélanésie.

On accuse les missionnaires (wesleyens) d’un excès de zèle qui ne contribuerait pas peu à la décroissance des populations. Dans l’intérêt de la moralité, ils ont octroyé aux femmes, qui, sauf le pagne, se contentaient d’une toilette peu compliquée, une longue chemise de coton qui descend du cou à mi-jambe, souvent aux talons ; et avec peu de succès, à la vérité, ils exhortent les hommes à se mieux couvrir. Le résultat de ces innovations, au point de vue sanitaire, serait déplorable. Les indigènes, affublés de vêtemens qu’ils ne lavent guère et ne quittent jamais, même la nuit, sortent de leurs huttes avant le jour et, en s’exposant tout en sueur à l’air frais et humide du matin, contractent des maladies de poitrine ; or ces maladies, naguère inconnues, sont très répandues aujourd’hui. Un missionnaire, cité devant une commission, a répondu naïvement : que le changement des habitudes et l’adoption de vêtemens, à la suite de l’introduction de la religion chrétienne et de la civilisation, étaient les causes de la grande mortalité parmi les indigènes[1].

L’acte d’annexion de Fiji a été promulgué en 1874. C’est en juin 1875 que le premier représentant de la couronne débarqua à Levuka. Il se trouva en face d’une tâche unique et sans précédent dans l’histoire des colonies. Quelle était-elle et comment s’est-il pris pour l’accomplir ?

Dans des cas compliqués ou mystérieux, dans ces cas qui sont les éléments des causes célèbres, on se demande : Où est la femme ? En politique, quand je rencontre une idée nouvelle et féconde qui ne court pas les grands chemins et ne s’impose pas à la multitude par l’évidence des faits, je me demande : Où est l’homme ? Je ne demande pas où sont les hommes. Les idées naissent dans le cerveau d’un seul et non dans les cerveaux de plusieurs. Un homme a une idée. Cette idée peut être discutée, amendée, modifiée, dénaturée dans des bureaux ministériels ou parlementaires, en comité secret, en séance publique, mais ni les bureaux, ni les comités, ni les parlemens ne l’ont inventée ni découverte. Elle est née dans la tête, peut-être aussi dans le cœur d’un seul homme. Ici quel est cet homme ?

C’est sir Arthur Cordon, premier gouverneur de cette colonie

  1. Report of a Commission appointed to inquire into the working of the Western-Pacific orders in council. Février 1884. Appendix B. Statement of the Rrev. H.-A. Robertson, 21 mars 1883.