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conception fausse de la participation aux bénéfices, qui n’est pas un contrat nouveau et sui generis, mais tout simplement une libéralité, libéralité intelligente et bien entendue, sans doute, mais libéralité. Aussi ne puis-je m’empêcher de regretter que ce point de vue, qui suivant moi est le vrai, n’ait pas été défendu avec assez d’énergie devant la commission d’enquête extra parlementaire, par des hommes qui avaient toute autorité pour le faire et, en particulier, par M. Charles Robert. Lorsqu’il s’agit des établissent particuliers, M. Charles Robert a bien déclaré qu’il ne saurait être question de contrainte et qu’il fallait s’en rapporter à l’initiative des patrons. Mais dans les travaux adjugés par l’état ou les villes, il a semblé avec beaucoup d’hésitation, il est vrai, et en recommandant toute sorte de précautions, admettre le principe de la participation imposée. Or, du jour ou la participation sera imposée, j’ai la conviction qu’elle cessera d’être efficace et qu’au lieu de contribuer à maintenir la paix entre les patrons et les ouvriers, elle introduira, au contraire entre eux, de nouveaux fermens de discorde. Rien ne serait regrettable comme de voir compromettre une idée neuve et vraie par une application imprudente. Cependant c’est ce qu’on est à la veille de faire, et il appartiendrait, ce me semble, aux hommes qui ont tout fait comme M. Charles Robert, pour le triomphe de l’idée elle-même, de se mettre en travers de cette grosse erreur.

Il serait intéressant d’entrer dans quelques détails sur le mode de fonctionnement de la participation aux bénéfices, dans les établissemens où ce système a été adopté. Mais ce n’est pas un des moindres mérites du système que de se prêter à des combinaisons munies, et il serait long de les énumérer toutes. Tantôt la part des bénéfices qui doit revenir à l’ouvrier ou à l’employé lui est distribuée en espèces ; tantôt elle est mise en réserve à son compte et porte intérêts composés à son profit. Le premier système est le plus simple ; il a pour lui l’avantage de faire sentir immédiatement aux intéressés les avantages de la participation, et de ne pas reculer jusqu’à une époque nécessairement indéterminée la jouissance de cette rémunération supplémentaire. En revanche, on peut lui reprocher de ne pas stimuler la prévoyance et de pousser l’ouvrier à améliorer son présent aux dépens de son avenir. La seconde combinaison présente, au contraire, l’avantage d’assurer pour ses vieux jours le sort de celui qui a vécu de son travail. Mais en revanche, elle le laisse en proie à toutes les difficultés du présent. Le système a un promoteur très ardent en la personne de M de Courcy, administrateur de la compagnie d’Assurances générales, où il l’a fait adopter. Dans cette compagnie, la part dans les bénéfices qui revient à chaque employé est inscrite à son compte sur un livret individuel et, à partir de cette date, porte