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intérêt à son profit. Ces intérêts sont capitalisés tous les ans, et au moment de sa retraite ou de son décès, la somme qui constitue le montant du livret est remise à lui ou à ses héritiers. C’est le système de la constitution du patrimoine, que M. de Courcy défend avec beaucoup de vigueur et qu’il oppose à celui de la rente viagère. Laissant de côté cet aspect de la question, on peut dire que le système est sans reproche lorsqu’il est appliqué aux employés d’une compagnie dont le traitement, par lui-même assez élevé, les met au-dessus du besoin, et dont les préoccupations se tournent plutôt vers l’avenir que vers le présent. Mais, dans l’industrie proprement dite, alors qu’il s’agit de faire apprécier les avantages du système à des ouvriers, souvent un peu enclins à la méfiance, de leur donner un témoignage de la bienveillance du patron, et de leur faire ainsi toucher du doigt la solidarité d’intérêts qui existe entre le capital et le travail, on peut douter que la constitution d’un patrimoine à toucher dans quelque vingt ans ou trente ans (fût-il représenté par un livret) soit d’une efficacité suffisante. Un système intermédiaire a été tenté dans plusieurs établissemens industriels, entre autres dans l’imprimerie de M. Chaix. D’après le règlement adopté dans cet établissement, la part des bénéfices qui est attribuée aux ouvriers et qui s’élève à 15 pour 100 du gain total de l’année, est divisée en deux parts : l’une est distribuée en espèces à chaque ouvrier ; l’autre lui sera remise à sa sortie de la maison en un livret de la Caisse des retraites. Ge système est assurément le plus satisfaisant et celui qu’il faut recommander. La seule objection qu’on pourrait faire, c’est que la part distribuée en espèces se trouve nécessairement assez réduite, et que l’intérêt immédiat de l’ouvrier dans la participation aux bénéfices, celui qui agit le plus sur son esprit, devient assez mince. Mais la perspective d’une retraite, si faible soit-elle, doit exercer également une action sur lui, surtout si, suivant une très ingénieuse combinaison, cette part, mise en réserve, se grossit d’un troisième appoint alors qu’il a passé plus de vingt ans dans la maison. Cette prime à la permanence des engagemens est une combinaison très heureuse, et, sous ce rapport comme sous bien d’autres, l’organisation de l’imprimerie Chaix peut être citée comme un modèle.

Une seconde question, et d’un plus haut intérêt, parce qu’elle touche à l’avenir du système, est de savoir dans quelle nature d’industrie la participation aux bénéfices est appliquée et si elle peut être introduite avec avantage dans toutes. On peut, quant à présent, diviser les établissemens où la participation aux bénéfices est usitée en deux catégories très distinctes : ceux dont le personnel se compose principalement d’employés et ceux dont le personnel se compose, au contraire, principalement d’ouvriers. Lorsque le