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habilement présentées. Et tout le monde y gagnera : nous, M. Frary lui-même, et la « question du latin, » — qui n’est rien moins, dans la pensée de M. Frary, et en réalité, que la très importante question de l’enseignement secondaire.

On l’a beaucoup et, vivement agitée, depuis quinze ou vingt ans, cette question ; on a surtout agité, si je puis ainsi dire, les esprits des maîtres qui donnent et ceux des enfans qui reçoivent cet enseignement secondaire ; on a tout ôté des anciens programmes, puis on l’y a remis, pour l’en ôter encore, et sans doute l’y remettre un jour de nouveau. C’est à faire à ce Conseil supérieur de l’instruction publique, où les représentant du collège communal et de l’école primaire sont appelés à donner leur avis quelquefois sur ce qui les touche, et plus ordinairement sur ce qui ne les regarde pas. Que n’a-t-on mis aussi quelques caporaux du génie dans le Comité consultatif des fortifications, ou dans le Conseil d’amirauté quelques maîtres calfats ? Nos ministres de la guerre et de la marine, plus soucieux des vrais intérêts de leur département que des revendications d’une fausse démocratie, ne l’auront sans doute pas voulu ! Un point cependant, parmi tant de vicissitudes, était à peu près demeuré fixe, et, dans cette fluctuation des programmes, le latin, comme jadis, était resté la base de notre enseignement secondaire. Si même l’on disait qu’en proposant de diminuer la part du latin dans les classes, quelques-uns de nos réformateurs, M. Jules Simon peut-être, et M. Michel Bréal certainement, n’avaient pas moins eu pour objet d’en fortifier l’étude, — en la disciplinant, — on ne dirait que la vérité. Par de meilleures méthodes, à moins de frais, en moins de temps, il s’agissait de faire de meilleure besogne. Et l’on se flattait précisément, en substituant la lecture des auteurs aux anciens exercices de composition latine, narration, verset discours, comme en inaugurant l’enseignement de la philologie sur les ruines de la rhétorique, de former ou de préparer de plus savans latinistes. Il nous est revenu que jusqu’à ce jour les résultats n’avaient guère justifié ces belles espérances, ou plutôt, et au grand dommage des générations sur qui l’on a tenté l’épreuve, qu’ils en avaient dès maintenant démontré toute la vanité. Non-seulement on ne sait pas mieux le latin qu’autrefois, dans nos lycées, mais on le sait moins bien, et on ne sait pas davantage le français.

Le dessein de M. Frary, bien autrement radical, est tout à fait différent de celui de ses prédécesseurs. Eux, qui connaissaient leur Molière, voulaient bien, à la vérité, couper un bras aux latinistes, mais c’était, après tout, pour que l’autre en profitât d’autant. M. Frary, lui, propose de les leur couper tous les deux, et les jambes avec, tandis que nous y serons, et il espère bien qu’ils ne survivront pas aux