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VI

Une découverte inattendue et toute récente, faite au Groenland, a rendu plus étroits et plus complets encore les rapprochemens que nous venons d’établir. On en est redevable à l’éminent et savant explorateur des régions polaires, M. Nordenskiöld.

Malgré la profusion avec laquelle le fer est répandu dans toutes les parties de l’écorce terrestre et engagé dans de nombreuses combinaisons, il est digne de remarque que ce métal ne s’y montre pas à l’état natif : quelles que soient la pureté et la richesse des minerais, une opération au moins est nécessaire pour en tirer le métal qu’ils contiennent. Si le fer offre cette différence avec d’autres métaux incomparablement moins répandus, tels que le cuivre, l’argent, l’or ou le platine, il le doit sans doute à sa sensibilité vis-à-vis des agens chimiques, particulièrement de l’oxygène, qui, combiné dans les matières pierreuses constitutives de l’écorce terrestre, en forme environ la moitié comme poids. Une réaction avait, il est vrai, fait supposer la présence de fer natif dans quelques roches basaltiques, mais ce métal n’y était pas reconnaissable, sans doute à cause de son extrême degré de division.

Le célèbre navigateur des régions polaires, John Ross, avait rapporté, en 1818, de son voyage dans la baie de Baffin, quelques couteaux dont le tranchant était formé de morceaux de fer, provenant, au dire des Esquimaux, de blocs détachés et rencontrés non loin du cap York. L’analyse de ce fer ayant indiqué la présence du nickel, on lui attribua une origine météoritique. Il en fut de même pour un échantillon de fer, offrant des caractères semblables, qu’un autre explorateur se procura plus tard dans le nord du pays. Ces échantillons, déposés au Musée de Copenhague, attirèrent l’attention de M. Nordenskiöld et lui inspirèrent le désir d’en découvrir l’origine, lorsqu’en 1870 il fit un voyage dans le Groenland septentrional.

Après plusieurs tentatives in fructueuses, sur les indications fournies par les indigènes, et par ses propres recherches, ce savant fut amené à se diriger sur un point du littoral de l’île de Disko, à Blaafjeld ou Ovifak (colline bleue), d’un accès difficile, et y rencontra enfin l’objet de ses investigations. Des blocs de fer gisaient sur le rivage, au pied d’une grande falaise constituée par une série de nappes de basalte, qui alternaient avec des assises de conglomérats de la même roche. Sur un petit espace, on recueillit plus de vingt masses qui ne contenaient pas moins de 21,000 kilogrammes de fer métallique. L’idée qui se présenta tout