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naturellement fut qu’elles étaient d’origine météoritique, puisqu’elles contenaient du nickel et qu’elles donnaient les figures considérées jusqu’alors comme exclusivement propres à ces fers. Mais des explorations persévérantes, entreprises malgré des difficultés matérielles de toutes sortes et au milieu de véritables dangers, apprirent qu’il n’en était pas ainsi. M. Steenstrup, jeune savant danois, fut chargé par son gouvernement d’aller étudier avec exactitude toutes les conditions dans lesquelles se trouvaient ces masses de fer, avant qu’elles fussent enlevées et transportées en Suède. Après un premier voyage fait en 1871, puis un séjour de 1876 à 1880, dans des contrées presque désertes et d’un climat inhospitalier, M. Steenstrup, avec un dévoûment et une persévérance auxquels il est juste de rendre hommage, parvint à reconnaître sur un point du littoral le fer natif, réellement, enchâssé dans des roches basaltiques. Ce n’était pas seulement en parcelles microscopiques, mais en gros grains, et ces derniers présentaient tous les caractères des blocs qui avaient été trouvés à l’état épars.

Pendant l’automne de 1879, M. Steenstrup fit une autre découverte, intéressante à double titre. Après avoir fouillé plusieurs centaines d’anciens tombeaux groënlandais, il trouva dans l’un d’eux, sur les bords du fiord d’Umanak, où il s’était rendu afin d’étudier la marche des grands glaciers de cette région, des couteaux semblables à ceux que soixante ans auparavant, avait rapportés Ross, ainsi que des outils en pierre, faits de cristal de roche et de calcédoine. À ces produits de l’industrie humaine étaient associés neuf fragmens de basalte contenant du fer métallique, et des morceaux irréguliers de fer tout à fait semblable à celui des couteaux. Ce fait intéressant montrait d’abord avec quels matériaux les Esquimaux fabriquaient les instrumens avant d’avoir reçu du fer des Européens ; d’autre part, il confirmait l’origine terrestre du fer mis en œuvre.

La présence, dans des roches éruptives terrestres, d’un fer allié de nickel et semblable à celui des météorites avec la texture cristalline qui naguère paraissait un caractère exclusif de ces dernières, est donc devenue incontestable ; aucun doute n’est plus possible. Il importe d’ajouter qu’au Groenland ce métal n’est pas un accident fortuit et isolé, mais qu’il se montre en de nombreuses localités et sur de grandes étendues.

Au point de vue de sa constitution géologique, la partie septentrionale du pays est particulièrement remarquable par le développement déroches éruptives d’un âge relativement très récent. C’est un des plus grands massifs de basalte que l’on connaisse ; il commence au 69e degré de latitude et, vers le 76e degré, il disparait sous