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religieuse, avec les institutions militaires, avec toutes les garanties civiles et politiques. Ils ont si bien fait qu’en dix années de règne, ils ont tout épuisé, ils ont abusé de tout, et qu’au lieu de fonder un ordre régulier, ils nous ont conduits au point où nous sommes aujourd’hui ; ils ont créé et développé cette situation singulière où toutes les conditions de gouvernement semblent confondues et altérées, où ministère et parlement accumulent à plaisir l’ignorance, la légèreté, les inconséquences, les faiblesses dans les affaires les plus sérieuses du pays. Les républicains, en vérité, finissent par ne plus savoir eux-mêmes où ils vont et ce qu’ils font ; ils se créent à leur usage une sorte de système indéfinissable qui n’est ni le régime conventionnel ni le régime parlementaire, qui n’est qu’un mélange de tous les genres d’anarchie, un résumé de toutes les idées fausses. Ils détruisent ou ils compromettent tout ce qu’ils touchent, et un des plus curieux exemples de cette désorganisation ou de cette confusion universelle est certainement ce qui se passe dans cette malheureuse affaire du Tonkin, où un gouvernement timide et une commission usurpatrice donnent une si édifiante représentation au détriment des intérêts et de la considération de la France. On en est toujours là pour le moment.

La vérité est que cette commission, chargée d’avoir une opinion et de proposer une résolution sur nos affaires de l’Indo-Chine, joue un singulier rôle. Elle a été nommée il y a déjà trois semaines avec un certain apparat ; elle s’est réunie tous les jours, elle a multiplié les délibérations, et qu’a-t-elle fait, en définitive, pour fixer notre politique ? La France quittera-t-elle décidément le Tonkin et l’Annam et peut-être la Cochinchine, sans regarder derrière elle, sans souci du sang versé, de l’honneur du drapeau, des intérêts qu’elle peut laisser en péril ? Continuera-t-elle, au contraire, à occuper ces contrées du Fleuve-Rouge, devenues pour elles une possession diplomatiquement reconnue, et dans quelle mesure ou sous quelle forme les occupera-t-elle, si elle doit y rester ? Ce sont là des questions qui ne sont pas du tout tranchées jusqu’ici, qui ne paraissent même pas bien éclaircies encore ; mais, qu’on se rassure, si la commission fait attendre son opinion sur l’abandon du Tonkin ou sur le maintien de notre occupation, elle n’a pas moins bien employé son temps, elle n’est pas demeurée oisive pendant ces trois semaines. La commission des 33 n’a pas perdu une si belle occasion de se souvenir des comités de la Convention, et elle a voulu, elle aussi, montrer qu’elle était souveraine, omnipotente. Dès qu’elle a été réunie, son premier soin a été de se constituer en comité d’investigation, de prétendre fouiller dans le passé comme dans le présent, de vouloir scruter tous les secrets, lire dans tous les portefeuilles. — de faire comparaître devant elle les généraux et les amiraux, les anciens gouverneurs de l’Indo-Chine et les