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sur ses 15 hectares de pacages, pourvu qu’il ait soin de faner une partie de ses herbes. Il doit se réserver des subsistances pour au moins quatre ans, puisqu’il ne se propose pas d’ensemencer ses terres, mais d’en planter une partie et d’attendre les premières vendanges productives. Soit de ce chef encore 4,000 francs. Il n’a pourtant pas jusqu’ici mis en terre un seul pied de vigne.

Voici maintenant, d’après renseignemens pris sur place, en divers coins de la colonie, auprès de praticiens compétens, quel est le devis le plus rationnel qu’on puisse établir pour une plantation faite en conditions économiques, mais avec chances de réussite..

On commence par un complément de défrichement et un labour De 0m, 25, qui prennent aisément 100 francs par hectare. On creuse ensuite trois ou quatre mille trous de 0m, 60 en tous sens, indispensables dans ces terres durcies par le soleil, qui a ont pas été remuées depuis l’occupation romaine et où l’emploi de la baramine serait très insuffisant ; cela s’obtient généralement pour 150 francs. L’achat des sarmens, leur alignement, leur enfouissement emportent la même somme. On écarte ordinairement les plants de 2 mètres en tous sens dans la plaine, de 2 mètres sur 1m, 50, dans les pentes moins fertiles. La culture soignée, en partie à la charrue, en partie à la pioche, et la taille, pendant les trois années d’enfance de la vigne, doivent être calculées à 450 francs ; car laisser envahir sa plantation par le chiendent, les fougères et les repousses de palmier nain, ce serait la sacrifier d’avance. Il est vrai que, dès la troisième feuille, la vigne africaine couvre souvent ses frais. Mais il est prudent de ne compter que sur la quatrième. Enfin, l’intérêt des déboursés faits pendant les trois années improductives doit être compté à, 150 francs. Le prix de revient total d’un hectare de vigne, au moment de la vendange espérée, ne peut donc guère être moindre de 1,000 francs, en dehors de l’estimation si variable du terrain.

Encore ne faut-il pas avoir procédé largement ni défoncé le sol entier, soit à la pioche, soit à la charrue à vapeur, comme le font volontiers les grandes compagnies et les grosvpropriétaires, qui arrivent vite ainsi à des déboursés deux fois plus forts.

Le travail si compliqué de la plantation exige du temps. Une famille de vignerons qui débarque de Marseille ou de Port-Vendres ne peut l’exécuter au débotté que sur une faible échelle. Elle plantera difficilement plus de 5 hectares dans les deux premières années de son établissement. Car un an se passe vite en installations, bâtisses, tâtonnemens de toutes sortes.. Ce sont, en tout cas, 5,000 fr. qu’elle devra débourser presque en arrivant. Elle n’aura pas la témérité d’entreprendre plus, avec des ressources limitées,