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aux réclamations. Ils ne seraient pas astreints à bâtir, puisqu’ils trouveraient une maison toute faite, ni à planter un nombre d’arbres déterminé, en des lieux qui peut-être ne se prêteraient pas à la croissance, ni à se clore d’une haie ou d’un fossé, s’ils croyaient pouvoir s’en passer. Avec la liberté presque absolue dans le mode d’exploitation, on ne pourrait plus guère crier sus à la colonisation administrative.

D’autre part, si les conditions que nous venons de signaler étaient rigoureusement observées et qu’on y tînt la main, il semble que la France répugnerait moins à intervenir de nouveau en faveur de ses colons. Ce qu’elle craint, bien plus que les frais, c’est que spéculateurs et déclassés ne continuent à abuser de sa générosité.

D’ailleurs son intervention, comme bailleur de fonds, ne serait peut-être plus aussi nécessaire. On a dit, avec raison[1], qu’une « caisse de colonisation » commencée par la vente inconditionnelle des terres domaniales inutilisables par de simples colons, puis alimentée par la vente conditionnelle des lots les plus propres à être habités et cultivés par des Européens, pourrait pourvoir à la construction de villages, sans que la mère patrie eût de nouveaux sacrifices à s’imposer. Peu à peu et dans la mesure où cette caisse se garnirait, elle achèterait de nouvelles terres aux indigènes et étendrait les limites de son action. Il semble qu’une tentative puisse être faite dans ces données.

Il n’y a guère d’espoir qu’en des mesures qui tiendraient compte à la fois de l’initiative individuelle avec ses ressources et ses droits, et de ce que l’expérience a démontré être fructueux dans les précautions, comme dans les largesses de la colonisation officielle. Puissent nos hommes d’état, nos administrateurs, ne pas se désintéresser de l’Algérie ! puissent aussi nos agriculteurs et surtout nos vignerons, si découragés en France, porter leurs efforts vers la seconde patrie qui leur a été conquise au prix de tant de sang et de persévérance !


THEOPHILE ROLLER.

  1. Voir la brochure, la Colonisation en Algérie, par un sous-chef de bureau de la préfecture de Constantine, 1884.