Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une grande situation personnelle. Incliner du côté de la Prusse, c'était exaspérer les particularistes ; réagir contre sa politique, c’était provoquer l’indignation des nationaux. Plus le parti patriotique, composé de catholiques et de démocrates, marquait des tendances exclusives, plus le parti libéral, par haine de l’ultramontanisme et du radicalisme, affirmait le sentiment de l’unité.

C'est dans ces conditions que le prince de Hohenlohe, dès son entrée au pouvoir, traça devant les chambres, dans un long discours, le programme de sa politique. Il évita toute allusion à une confédération séparée, prévue par le traité de Prague, il répudia tout protectorat étranger, soit autrichien, soit français, il proclama en revanche la nécessité d’une intime alliance politique et militaire avec la Prusse, fondée à la fois sur le sentiment national et sur les intérêts économiques de l’Allemagne.

Le langage que nous tenait le prince de Hohenlohe n’avait rien d'équivoque ; il nous disait, dès son avènement au pouvoir, qu'il considérait l’alliance de la Prusse comme une nécessité. Il ne se faisait pas d’illusions sur le sort de la Bavière, il ne doutait pas qu'elle ne fût absorbée un jour, mais il estimait que son existence serait maintenue longtemps encore si, au lieu de rester isolée, elle prenait résolument son point d’appui à Berlin. — Il en coûtait à notre diplomatie de s’incliner devant des idées aussi nettement formulées; elle faisait observer qu'un pays de cinq millions d’âmes n'était pas si faible qu'il ne pût, au moyen d’un système d’alliances virilement conçu, sauvegarder son autonomie ; elle pensait que c’était chose grave de s’engager dans une voie qui conduirait fatalement à la médiatisation et que, vis-à-vis d’un roi de vingt ans et d’une opinion si manifestement hostile à ces tendances, une telle résolution prenait une gravité exceptionnelle.

Le ministre dirigeant du roi Louis n’en maintenait pas moins son programme. Rester fidèle aux traités d’alliance signés avec la Prusse et se mettre en mesure de pouvoir les exécuter, le cas échéant; — chercher à créer un lien national entre le Nord et le Midi, sans aliéner l’autonomie du pays, — reconstituer l’association douanière sans s’exposer à une médiation économique, — et rattacher l’Autriche à l’Allemagne, — telles paraissaient être les lignes principales de sa politique. C’est tout ce qu'à Berlin on pouvait demander à un ministre, miné à la cour par des influences occultes, harcelé dans les chambres par une coalition passionnée et traîné chaque jour sur la claie par la presse cléricale et démocratique. Mais c’était plus que ne voulait la Bavière ; le parti ultramontain et le parti avancé protestaient à l’envi contre un programme qui plaçait, disaient-ils, les destinées du pays dans le cabinet militaire du roi de Prusse. Le président du conseil dut atténuer ses