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de Hohenlohe offrait-il souvent sa démission, impatient d’être délivré d’un fardeau aussi pénible et si peu digne de son nom. Sans les instances de son frère, le duc de Ratibor, et de son beau-frère, le duc d'Ujest, et sans son amour pour la cause publique, il eût abandonné un poste ingrat, pour laisser à d’autres le soin de se défendre contre des attaques passionnées. Mais la pénurie des hommes d’état était si grande en Bavière, qu'on ne savait par qui le remplacer[1].

Telle était la situation à Munich, et c’est parce que M. de Bismarck s’en rendait compte, qu'il avait pu à Paris, sans rien concéder, parler de son désintéressement à l’endroit du Midi. Il n’en poursuivait pas moins, sous-main, avec une ardeur infatigable," la réorganisation des armées méridionales et leur fusion avec les armées du Nord, et c’est pour permettre aux gouvernemens de Bavière et de Wurtemberg d’arracher aux chambres la sanction des traités d’alliance et des conventions militaires, qu'il évitait toute pression ostensible.


II.

L'exposition était dans son plein, lorsque dans les premiers jours de juillet la reine Augusta parut à la cour des Tuileries. Elle était venue sans apparat, suivant les habitudes de la maison de Prusse, avec une suite peu nombreuse, sous le voile de l’incognito. Elle s’effaçait volontiers, sans oublier son rang et son origine. Sa démarche révélait d’ailleurs sa race, elle n’avait pas besoin d’un trône pour mettre en relief sa royale distinction. Appliquée dès son enfance aux études, elle avait pris dans le contact des hommes éminens que son grand-père, le duc Charles-Auguste, attirait à la cour de Weimar, un goût marqué pour les belles-lettres. Sa conversation, d’où le sérieux n’excluait point l’agrément ni parfois un peu d’apprêt, dénotait des arrière-pensées littéraires.

  1. Dépêche d’Allemagne. — « Ce qui fait la force du prince de Hohenlohe et le maintiendra au pouvoir, malgré l’hostilité des partis, les dissentimens au sein du conseil et les intrigues de la cour, c’est la difficulté de le remplacer. C’est aussi, indépendamment de la pénurie d’hommes politiques, le caractère du roi qui, bien que volontaire et ombrageux, est flatté d’avoir un grand seigneur à la tête de son cabinet ; il attache plus d’importance aux dehors de la royauté qu'aux devoirs qu'elle impose.»