Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne le trouvera-t-on pas un peu bref sur la mort de Madame ? — M. de Baillon ne croit pas à l’empoisonnement, et il se contente de renvoyer le lecteur aux travaux de MM. J. Lair, Anatole France, Loiseleur et Littré ; mais, sans entrer dans ces détails de médecine rétrospective, et tout en croyant, comme lui-même, à la mort naturelle, n’eût-il pas pu du moins examiner de plus près ce qui fait le nœud de la question : je veux dire à qui la disparition de Madame importait ? C’est le chevalier de Lorraine que l’on accuse d’ordinaire, et l’on oublie de mettre en cause un autre personnage qui me paraîtrait pourtant bien autrement suspect : Olympe Mancini, comtesse de Soissons, surintendante de la maison de la reine, et privée de son amant, le marquis de Vardes, en même temps que chassée de la cour pour Madame et presque par Madame. Olympe était vindicative ; quelques années plus tard, impliquée dans l’affaire des poisons, elle prendra la fuite au plus vite ; on la retrouve encore mêlée, en 1689, dans l’histoire de l’empoisonnement prétendu de la reine d’Espagne, fille de Madame ; elle avait, d’ailleurs, jadis exercé sur Louis XIV une influence dont Madame seule avait en le pouvoir de la déposséder. Voilà bien des présomptions ; et dans une histoire de Madame il n’était superflu d’en discuter la gravité. M. de Baillon a-t-il estimé qu’il perdrait son temps et sa peine à creuser un problème dont les élémens nous échappent ? Il n’aurait pas fait attention, en ce cas, que l’intérêt et le profit de ces problèmes historiques, par les recherches qu’ils exigent, la connaissance des hommes, des mœurs et des temps, est bien moins de se laisser résoudre que de nous faire à chaque pas pénétrer plus avant dans l’esprit ou l’âme même d’un siècle.

Entre une biographie d’Henriette-Anne d’Angleterre et un livre sur Louis XIV et la Compagnie des Indes orientales, il ne semble pas d’abord qu’il y ait des rapports bien étroits ; et au fait il y en aurait peu, ou même il n’y en aurait pas, si l’auteur n’avait travaillé de son mieux à y en mettre. L’aventure de M. Pauliat est, d’ailleurs, assez commune. On ne cherchait dans l’histoire du passé, dans les cartons d’un ministère ou dans les papiers des Archives, que les origines d’une question contemporaine, et l’on perd bientôt de vue l’objet de sa recherche, et l’on découvre insensiblement que ce qu’il y a de plus intéressant dans le présent, c’est encore le passé… Mais ce n’est là que le commencement des découvertes de M. Pauliat, et elles sont si nombreuses que je ne sais ce qui me tient de les numéroter.

Qui se fût douté, par exemple, avant M. Pauliat, que Louis XIV « eût brûlé d’une ardeur incroyable » pour les intérêts du commerce français ? Voilà une découverte ! Ce sera donc la seconde. Assurément je ne veux pas ici diminuer le prix du service que nous a rendu M. Pauliat en nous racontant tout au long l’intéressante histoire de la fondation et de la décadence de la compagnie des Indes orientales de