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Les généraux ont plus de peine qu’on pense à résister à de juvéniles ardeurs : on en a en la preuve au Zoulouland. La mission d’ailleurs fut remplie avec autant de zèle que d’intelligence. « Je suis parti du mouillage de Sacrificios, — ainsi s’exprime le rapport du prince, — à onze heures du soir. Deux embarcations armées accompagnaient le canot que je montais. Le temps était à souhait : la lune éclairait peu, l’atmosphère était calme et une faible houle faisait marquer les brisans. Les Mexicains avaient probablement vu de la côte le départ de nos embarcations, car une fusée partit d’un point situé presque en face de votre frégate. Un grand feu fut aussitôt allumé sur une des extrémités du fort ; la cloche fut mise en branle ; les batteries s’éclairèrent avec promptitude. Nous étions découverts. Notre exploration n’en a pas moins continué et nous avons enfin trouvé à trois quarts de mille du fort une petite crique où la mer est parfaitement tranquille et où les plus grandes embarcations pourront entrer et mouiller. Voyant que le fond vers le sud était très égal, mais trop élevé pour permettre aux canots d’approcher, je suis entré dans l’eau et me suis dirigé vers le fort. Partout nous avons trouvé le sol parfaitement égal et à environ 1 pied au-dessous de l’eau. Le sol, de sable, est recouvert d’une couche d’herbes marines très courtes, qui ne gênent aucunement la marche. En nous avançant près du fort, nous avons de nouveau donné l’éveil à la garnison, qui, du reste, se garde très bien. Elle a même fait sortir, par la porte de la place d’armes du chemin couvert, un détachement qui, en s’avançant sur l’îlot et en entrant ensuite dans l’eau pour nous éloigner, nous a donné la preuve que le récif était praticable d’un bout à l’autre. »

On comprend que le prince ne se soit pas soucié d’insister sur le danger qu’il venait de courir. Un de ses compagnons, destiné à devenir un de nos plus brillans généraux, le commandant du génie Mengin, n’avait pas les mêmes raisons de se taire : « Nous étions sans armes, dit-il, à 600 ou 700 mètres de nos embarcations, et la présence du capitaine Le Ray à Mexico nous faisait un devoir d’éviter toute espèce de collision. Nous prîmes le parti de hâter notre retraite le plus possible, ce qui dura cinq minutes environ. Au bout de ce temps, la poursuite ayant cessé, nous continuâmes avec moins de précipitation. Nous regagnâmes nos embarcations vingt-cinq minutes après avoir commencé notre retraite. Il était à peu près deux heures et demie. De notre reconnaissance, il résulte que le banc de la Gallega présente une surface toujours guéable, très unie et très commode pour la marche. Entre l’anse du débarquement et le fort, la distance est de 1,000 à 1,100 mètres, distance très favorable en ce qu’elle est en dehors de la bonne portée du canon et tout à fait hors de vue la nuit. »