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Le 12 novembre, l’amiral voulut renouveler l’exploration de la Gallega : il la renouvela en personne. Le prince de Joinville l’accompagnait. Avec un peu d’audace, les Mexicains prenaient cette fois du même coup de filet le chef de l’expédition et le capitaine de la Créole. « J’étais, nous apprend l’amiral Baudin, avec le prince de Joinville, à la tête d’une petite colonne de trente hommes. Je fis faire halte à la colonne à moins de 20 toises de la batterie basse de San-Miguel, lorsque, après avoir été hélé par les sentinelles mexicaines et avoir entendu le commandement de : Apprêtez armes ! j’eus reconnu, au bruit des fusils qu’on armait, que l’ennemi avait une force considérable sur pied dans la batterie. Le chef de bataillon Mengin, qui est un peu sourd, continua de s’avancer seul jusqu’au pied d’une rampe par laquelle l’ennemi pouvait facilement descendre vers lui et l’enlever. Nous étions dans l’eau jusqu’à la ceinture : il nous aurait été impossible de le secourir. D’ailleurs, une retraite immédiate était indispensable. Mon secrétaire, M. Moreau, se détacha par mon ordre et alla prévenir M. Mengin du danger qu’il courait, au risque d’être enlevé avec lui. »

Quand on a vu devant Sébastopol l’obstination des officiers du génie envoyés en reconnaissance, le superbe dédain du colonel Frossard pour les précautions les plus légitimes, il est difficile de croire que la prétendue surdité du commandant Mengin n’ait pas été, en cette circonstance, un peu volontaire : Nelson, à Copenhague, rappelé par les signaux de l’amiral Parker, appuyait sa longue-vue sur son œil crevé. Le commandant Mengin tenait essentiellement à toucher pour ainsi dire du doigt les défenses ennemies, car il était spécialement chargé de dresser, après cette seconde exploration, le plan d’attaque. « Il est important, disait le commandant, que la mer soit calme, plutôt basse que haute, la nuit aussi obscure que possible. L’expédition partira donc du mouillage quatre heures avant le lever de la lune, comptant : une heure et demie pour le trajet de Sacrificios à l’anse du récif ; une demi-heure pour le débarquement ; trois quarts d’heure pour arriver jusqu’à la palissade du fort, avec une petite halte à moitié chemin ; une demi-heure pour l’attaque du chemin couvert et pour la mise hors de service des batteries basses ; une demi-heure pour la retraite jusqu’aux embarcations, si l’on doit se contenter de ce résultat incomplet. Mais il peut fort bien arriver que la poursuite des Mexicains, chassés des ouvrages avancés, conduise la tête d’une des colonnes jusque sous la voûte qui donne entrée au fort. Dans ce cas, sans essayer de pousser plus loin, les hommes feront ferme dans le passage, empêcheront ainsi de refermer la porte et appelleront au secours. Le commandant supérieur de l’attaque ordonnera