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habilement ses bordées, de manière à canonner le bastion de Saint-Crispin et la batterie rasante de l’est. A quatre heures vingt minutes, la tour des signaux, élevée sur le cavalier du bastion de Saint-Crispin, sauta en l’air, couvrant de ses débris le cavalier et les ouvrages environnans. Déjà deux autres explosions de magasins à poudre avaient en lieu, l’une dans le fossé de la demi-lune, l’autre dans la batterie rasante de l’est. Une quatrième explosion se produisit vers cinq heures, et dès lors le feu des Mexicains se ralentit considérablement. Au coucher du soleil, plusieurs de leurs batteries paraissaient abandonnées ; la forteresse ne tirait plus que d’un petit nombre de ses pièces… A huit heures, je fis le signal de cesser le feu. Vers huit heures et demie, un canot se dirigea de la forteresse vers la Néréide. Toute la nuit on parlementa. A huit heures du matin, les officiers que j’avais envoyés à Vera-Cruz pour traiter avec le général Rincon n’étaient pas encore de retour. Je fis signifier au général que, si la capitulation n’était pas signée dans une demi-heure, j’ouvrirais mon feu sur la ville. Quelques instans après, M. Doret, mon chef d’état-major, m’apportait la capitulation signée. C’était à midi que la forteresse devait nous être remise ; l’évacuation ne put être terminée qu’à deux heures après midi. Je fis alors occuper la forteresse par les trois compagnies d’artillerie de la marine embarquées sur les frégates et je me hâtai de tirer nos navires de la position dangereuse qu’ils occupaient. Il était temps : le vent fraîchissait, la mer devenait houleuse et les ancres se brisaient comme du verre sur le fond composé de roches aiguës. »

Ces attaques de forteresses par des bâtimens au mouillage n’ont rien, on le voit, de bien dramatique : on s’embosse et on tire. S’il fait calme, une épaisse fumée enveloppe bientôt le théâtre de l’action : navires et batteries de terre ne tirent plus qu’au jugé. De temps en temps il arrive à bord des vaisseaux quelques coups perdus. Les parapets ennemis présentent plus de surface : ils sont bouleversés sans qu’il en résulte pour la forteresse attaquée un dommage bien sérieux. Tel fut le combat du 17 octobre 1854 devant Sébastopol, tel fut le combat du 17 octobre 1855 devant Kinbourn. Dans le premier de ces bombardemens, le plus important de beaucoup, une grêle de projectiles vomie pendant six heures n’entama d’une façon décisive ni le fort Constantin ni le bastion de la Quarantaine. Le lendemain, la flotte eût pu recommencer ; nos marins n’en auraient pas davantage pris pied dans l’ouvrage démoli. Tout autres sont les résultats quand les mortiers s’en mêlent : les mortiers allumèrent l’incendie dans Kinbourn, et l’incendie amena la capitulation.

A l’attaque de Saint-Jean-d’Ulloa, les trois frégates et la corvette