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détiennent moins d’un acre de terrain, c’est-à-dire moins de 41 ares : ce sont là des cottages ou des jardinets, non pas des terres, à proprement parler. La surface totale de ces 700,000 propriétés ne représente que 62,000 hectares, guère plus que l’étendue du département de la Seine, qui a 48,370 hectares ou un 1/2 pour 100 du sol anglais. Sans avoir le moindre dédain pour ces petits potagers, vergers ou jardins à fleurs qui égaient et rassérènent 700,000 familles, on doit rappeler que les 263,000 propriétaires de plus d’un acre de terre occupent à eux seuls les 99 centièmes 1/2 du sol britannique. Encore, comme ils se le divisent inégalement ! 220,642 personnes possèdent entre 1 acre et 100 acres, c’est-à-dire de 40 ares à 40 hectares ; 37,216 personnes ont des propriétés de 40 à 400 hectares et 5,408 landlords, qui commencent à devenir dignes de ce nom, détiennent plus de 400 hectares chacun. Il faut subdiviser ce dernier groupe ; c’est ici que l’ancienne légende sur la concentration de la propriété en Angleterre reprend ses droits et trouve dans les statistiques une justification partielle.

Un recueil démocratique et radical, rempli de chiffres qui sont exacts, le Financial Reform Almanack, fait chaque année appel aux réflexions et même aux passions de la classe moyenne britannique en lui donnant la nomenclature nominative des gros traitemens, des grosses pensions et des grosses propriétés territoriales. La livraison de 1884 indique 2,238 familles qui chacune possèdent plus de 5,000 acres de terre ou 2,000 hectares et qui, toutes réunies, absorbent 16 millions d’hectares sur 31 millions dont se compose toute l’étendue du royaume-uni. Ainsi 2,238 familles occupent plus de la moitié du sol de l’Angleterre et de l’Irlande. Pour se faire une juste idée de la constitution de la propriété rurale chez nos voisins, il convient de pousser plus loin l’analyse. La sixième partie du royaume-uni, ou peu s’en faut, 5 millions d’hectares, se partageait en 1878 entre 91 individus seulement : on relevait 17 propriétaires de 24,000 à 40,000 hectares, puis 25 de 40,000 à 60,000 hectares et 19 de plus de 60,000 hectares. Les points tout à fait culminans étaient occupés par le duc de Sutherland, dont les domaines couvraient 490,000 hectares, non compris les 60,000 appartenant en propre à la duchesse ; ce couple fortuné détenait une superficie égale à la moyenne d’un de nos départemens français. Au-dessous par l’étendue, mais bien au-dessus par la richesse, se rencontre un autre grand seigneur écossais, le duc de Buccleugh, auquel ses 185,000 hectares produisent 5,750,000 francs de rente, tandis que le duc de Sutherland ne retire d’une étendue triple que 3,250,000 francs de revenu. Ces grands seigneurs, j’allais dire ces grands feudataires, sont encore primés pour l’importance du revenu foncier par le duc de