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nous prouverons, en outre, que ceux qu’on aurait pu y faire figurer ont été omis. Nous terminerons en démontrant que la vente des diamans de la couronne est inutile, maladroite et antipatriotique[1].


I

Le traité de Cambrai venait de réconcilier François Ier avec Charles-Quint : comme gages d’amitié, l’empereur délivrait les fils de France et accordait au roi la main d’Éléonore d’Autriche, sa sœur. François Ier se rendit immédiatement à Bordeaux au-devant de la nouvelle reine, et ce fut dans cette ville qu’il créa, le 15 juin 1530, le trésor des joyaux de la couronne.

Par ses lettres patentes, François Ier faisait don de ces joyaux à ses successeurs, c’est-à-dire à l’état, et il ordonnait que à chacune mutation d’iceulx joyaux leur appréciation, poix, paincture, plomb, soient veriffiez en leur présence afin qu’ils baillent leurs lettres patientes obligatoires de les garder à la couronne.

Il nous a paru intéressant de mettre en lumière ce document ignoré, aujourd’hui que les pouvoirs publics s’arrogent le droit de vendre une partie des diamans de la couronne, parce qu’ils sont la propriété de l’état, tandis qu’ils ne lui appartiennent que parce qu’ils sont inaliénables.

À cette époque, le trésor de la couronne ne représentait qu’une valeur totale de 272,242 écus soleil[2] ; il se composait d’un grand collier et de six bagues. On appelait alors « bague » toute espèce de parures, mais, dans les inventaires de la couronne du XVIe siècle et du commencement du XVIIe, ce mot servait à désigner les pendans de cou et les broches que l’on suspendait sur la poitrine des femmes.

La plupart des pierres comprises dans le trésor de la couronne provenaient d’Anne de Bretagne, qui les tenait de Marguerite de Foix. L’une d’elles était connue, dans le trésor de la duchesse, sous

  1. Tout ce que nous écrivons résulte de documens, tels que quittances, arrêts de la chambre des comptes, lettres patentes et autres pièces, conservés dans les études de notaires et dans notre collection particulière. Nous n’indiquons pas ici les cotes ou les titres de chacune des pièces citées, parce que nous avons déjà commencé un important travail sur les diamans de la couronne, lequel contiendra in extenso les documens les plus intéressans et donnera toutes les indications des sources auxquelles ont été puisés nos renseignemens.
  2. D’après nos calculs et les rapports des poids des monnaies anciennes et modernes, la valeur approximative de l’écu soleil, qui était d’or fin, serait aujourd’hui de 13 fr. 50. Par conséquent, 272,212 écus soleil vaudraient environ 3,675,267 francs.