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régente de France sous Charles IX, prit en garde les diamans de la couronne.

Par le traité de Cateau-Cambrésis, la France s’était engagée à rendre Calais à l’Angleterre dans un délai de huit ans ; mais les réformés, en guerre avec Catherine, avaient livré Le Havre à Elisabeth. La régente voulait conserver Calais et recouvrer Le Havre. Elle commença par s’emparer de cette dernière ville, puis elle négocia pour garder Calais. Aussi offrit-elle à Smith et à Throckmorton, ambassadeurs d’Elisabeth, une indemnité de 120,000 couronnes, ou le plus beau diamant de la couronne de France. Les deux diplomates refusèrent ; mais, voyant qu’ils n’obtenaient rien, ils s’accusèrent réciproquement de maladresse, s’invectivèrent violemment, puis se précipitèrent l’un contre l’autre, la dague à la main. Ils furent séparés par un agent de Catherine, qui leur renouvela l’offre de 120,000 couronnes, qu’ils finirent par accepter.

Grâce à l’habileté de la reine, le plus beau diamant de la couronne, qui avait été offert à l’Angleterre, demeura dans les coffres du trésor, et Calais, cet autre bijou cent fois plus estimable, put être conservé, moyennant le paiement d’une faible somme d’argent. Le plus beau diamant de la couronne était alors la Grande-Table, de 65,000 écus ; c’était donc celui-là qui devait nous garder Calais.

Jusqu’en 1569, pendant la jeunesse de Charles IX, les diamans ne jouèrent aucun rôle, et l’on en trouverait la preuve dans cette exclamation du jeune roi : « Ma vie n’est point de si grande conséquence qu’elle doibve estre si précieusement gardée dans un coffre, comme les bagues de la couronne. »

En 1569, la guerre avait recommencé, et les Allemands, appelés par un des partis qui se disputaient le pouvoir, envahissaient encore une fois la France, détruisant tout sur leur passage. Dans ces circonstances, Catherine conclut avec la seigneurie de Venise un emprunt de 1,800,000 écus ; en gage, elle donna à la sérénissime république la grande croix de diamans de 90,000 écus, la table de diamant à laquelle l’histoire aurait dû décerner le nom de Calais à plus juste titre qu’elle a donné à deux autres diamans le nom de Régent et celui de Sancy, et enfin, une troisième pierre, estimée 42,000 écus. L’emprunt paraît avoir été assez tôt remboursé, car, à en croire les dépêches des ambassadeurs vénitiens, l’année suivante les bijoux avaient été rendus à la reine. En tous cas, ils étaient rentrés en France au moment du mariage d’Elisabeth d’Autriche, en novembre 1570, puisqu’ils figurèrent dans les fêtes données à cette occasion. La jeune reine devait, après trois ans de mariage, les remettre à une nouvelle reine, Louise de Vaudemont.