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à l’origine, au nombre de dix, et actuellement on n’en compte plus que sept[1].

Le testament de Mazarin et l’inventaire de la couronne de 1691 en indiquent dix-huit, dont ils mentionnent le poids exact. Il n’est donc pas étonnant que la commission d’expertise n’ait pu retrouver ces diamans, puisqu’elle ne les connaissait point ; cependant on peut les suivre, jusqu’au vol de 1792, dans tous les inventaires, sur les objets qu’ils décorèrent, et il serait probablement facile de déterminer d’une façon positive ceux qui, volés en 1792, ne sont pas encore rentrés à la couronne ; mais la commission d’expertise n’avait entre les mains aucune pièce pouvant l’éclairer[2].

Nous aurions préféré laisser de côté certains racontars, peu dignes de figurer dans un travail sérieux ; mais puisqu’ils ont été énoncés dans un document officiel, nous sommes obligé d’en démontrer l’inexactitude.

Voici ce qu’on lit encore dans le rapport de la chambre des députés : « L’ex-impératrice, assistant à la représentation de la Biche au bois, fut frappée de la ceinture de chrysocale que portait l’actrice chargée de représenter le rôle d’Aika. Elle ne fut satisfaite que lorsqu’elle s’en fut commandé une pareille, qui fut faite avec les diamans de la couronne. » Le même député publiait dernièrement le même fait en précisant encore davantage : « L’impératrice Eugénie, disait-il, confia immédiatement ce désir au joaillier de la couronne et leur recommanda de la confectionner (la ceinture) avec les Mazarins, notamment. »

Le fait est inexact : la parure en question fut commandée le 23 juin 1864, livrée et facturée le 31 décembre suivant. Durant toute cette année, on ne joua pas une seule fois la Biche au bois. Quant aux Mazarins, le rapporteur pourra, s’il le désire, constater sur la parure elle-même qu’ils n’y ont jamais été attachés.

On fit toujours dans le même rapport : « Il (le Régent) est encore aujourd’hui comme le décrivait, en 1717, Saint-Simon dans ses Mémoires. » L’achat du Régent eut lieu en 1717, mais les Mémoires de Saint-Simon n’ont pas été composés au jour le jour, comme paraît le croire le rapporteur ; les lignes auxquelles il fait allusion n’ont

  1. Rapport du 6 mai 1882 à la chambre des députes. (Journal officiel du 23 mai 1882.)
  2. Il est bizarre que le rapporteur de la chambre des députas ait cru devoir, en quoique sorte, à propos du glaive du dauphin et du glaive de Louis XVIII, accuser une famille qui, depuis cent cinquante ans, exerce la charge de joaillier de la couronne, quand aucune commission n’a cru devoir se mettre en rapport avec le chef actuel de la maison de commerce de cette famille.