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de Montpellier, vint visiter le vignoble avec ses élèves italiens qui retournaient en Italie et devaient y retrouver l’hydrate de chaux dans toute sa gloire chez les frères Bellussi, à Tezze[1]. Comme le dit fort bien l’Illustrazione de Milan, ces derniers avaient employé la chaux avec la désespérance de l’agriculteur ruiné, la fureur du soldat se jetant dans la mêlée, par conséquent avec le plus grand succès, tandis que le professeur Cuboni, le même qui déclare aujourd’hui que l’emploi de l’hydrate de chaux est un fatto solenne, il più maraviglioso che sia stato mai scoperto nella patologia vegetale[2], n’avait obtenu dans une expérience scientifique qu’un résultat relatif.

Nous parlions plus haut de l’invasion du phylloxéra en Algérie ; le mildew l’y avait précédé avec la plus inquiétante intensité. Nous disions que la marche du phylloxéra serait lente en Algérie, on ne peut malheureusement en dire autant du mildew, ce dernier n’étant pas, comme le phylloxéra, limité dans sa marche par des questions de distance ou d’importation. L’expérience apprend que le phylloxéra, livré à lui-même (c’est-à-dire non transporté par des causes accidentelles), ne franchit guère plus de 12 kilomètres par an ; c’est cette limite qui a rendu sa marche lente entre la vallée du Missouri, son berceau présumé, et les états lointains qui, jusqu’aux dernières années, cultivaient en paix des variétés à résistance douteuse. Les énormes distances qui séparaient les centres viticoles les uns des autres ont prolongé en Amérique le statu quo ante bellum. Il en sera de même en Algérie, si on peut espérer que des importations malveillantes ou irréfléchies ne viendront pas modifier cette situation. C’est-à-dire que chaque centre viticole contaminé périra suivant la marche rapide et fatale qu’ont suivie les vignobles français, tandis que les centres éloignés les uns des autres demeureront indemnes. Le mildew, au contraire, franchit des centaines de lieues, et cela d’une façon si inexpliquée qu’on peut se demander si l’état latent n’existe pas partout, attendant la cause déterminante pour se développer.

La viticulture algérienne promet beaucoup, mais, elle aussi, est semée de difficultés que peu à peu on apprend à connaître et à vaincre. La sécheresse et le soleil obligent à vendanger vite afin de

  1. A Saint-Bénezet, le lait de chaux, avec ou sans sulfate de cuivre, sera employa préférablement à tout autre traitement, d’abord parce qu’il semble convenir parfaitement au milieu, et ensuite à cause des avantages pratiques, au point de vue de la grande culture, que nous avons cités plus haut. Dans le vignoble du Deffends, les sels de cuivre employés seuls auront la préférence, parce que la direction, plus essentiellement technique et précise, qui préside à cette entreprise, permet d’employer une substance vénéneuse et chère sans danger ni gaspillage.
  2. « Un fait solennel, la plus merveilleuse découverte de la pathologie végétale. »