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les magistrats municipaux dans la Gueldre, l’Utrecht et l’Overyssel, sous prétexte de punir ces trois provinces de leur trop faible résistance à l’ennemi. Ce droit du stathouder, connu sous le nom de règlement de 1674, très contesté et contraire au texte même de la charte fondamentale des Provinces-Unies, rencontrait de la part des patriotes une opposition toujours vive, parfois acharnée. Les états de Gueldre, effrayés par le nombre et le ton des adresses qui leur étaient présentées, supprimèrent la liberté de la presse, et interdirent aux bourgeoisies d’adresser en corps des pétitions au souverain. Cette résolution fut reçue avec indignation. La petite ville d’Elburg alla jusqu’à refuser de la publier; Hattem, une autre bien petite ville, protesta avec éclat contre la nomination comme échevin d’un des gardes du corps du stathouder. La réponse de Guillaume V ne se fit pas longtemps attendre. Dans les premiers jours de septembre 1786, il donna l’ordre aux troupes de châtier les villes rebelles. Elburg et Hattem, occupées par les soldats orangistes, furent aussitôt livrées au pillage. Les états de Hollande, sur la nouvelle de ces événemens, s’adressèrent au stathouder pour lui déclarer que « s’il ne se désistait pas de ses mesures violentes, ils seraient forcés de le suspendre de toutes ses charges. » — « La conduite des états de Hollande me parait de la plus grande sagesse, » écrivait le 11 septembre M. de Vergennes. Dans la province d’Utrecht comme dans celle de Gueldre, le règlement de 1674 devait servir de prétexte aux premières hostilités. Le 7 août 1786, en présence d’un nombreux concours d’habitans et d’étrangers venus pour assister à un spectacle aussi curieux que nouveau, la bourgeoisie d’Utrecht avait destitué, par une décision solennelle, les conseillers qui s’opposaient à ses revendications, et installé en grande pompe le collège des commissaires destinés à protéger ses intérêts. Les états de la province ne virent pas d’un œil indifférent cette révolution pacifique. « Je crois, écrivait sir James Harris, le 12 septembre, que la conférence entre les états de Gueldre et ceux d’Utrecht se terminera par la résolution d’attaquer sans hésiter la ville d’Utrecht. » En présence des préparatifs belliqueux du stathouder, les états de Hollande ordonnèrent aux troupes entretenues par eux de quitter les autres provinces et de se réunir pour leur propre défense. La Hollande contribuait pour près 60 pour 100 aux dépenses militaires de l’Union. Les états généraux décidèrent qu’elle avait droit à rappeler douze régimens sur son territoire. Le vendredi 22 septembre, les états de Hollande prenaient une mesure plus grave encore en « suspendant provisionnellement M. le prince de Nassau de ses fonctions de capitaine général de la province. » M. de Goertz, ministre extraordinaire de Prusse à La Haye, déclara hautement que la résolution des états était « une insulte faite à son