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de la dignité monarchique et savait parler au nom du roi, sans arrogance, comme sans faiblesse. Trop prudent et trop sage pour lancer la France dans les aventures, il ne se fût pas résigné à lui voir jouer le rôle d’un état sans allié et sans influence, et les meilleurs éloges qu’on puisse lui donner se trouvent dans les dépêches des diplomates étrangers.

M. de Montmorin, que la confiance personnelle de Louis XVI avait désigné pour succéder à Vergennes, arrivait au pouvoir dans les meilleures intentions. Les intérêts français étaient particulièrement engagés dans les affaires des Pays-Bas, il résolut de leur consacrer des soins tout spéciaux. Le roi devait soutenir la province de Hollande, son alliée constante et fidèle. C’était en assurant à la Hollande la majorité dans les états-généraux que l’on pouvait servir le plus utilement sa cause : « Vous offrirez aux patriotes votre concours, disait Montmorin à Vérac dans l’une de ses premières dépêches. Le roi vous autorise, monsieur, à faire dans cette voie tout ce qui pourra dépendre de vous. »

Ce n’était plus seulement dans la salle des états-généraux que la lutte était engagée. Guillaume V avait échoué dans un projet de coup d’état contre Amsterdam. Il résolut de s’en venger sur Utrecht. Pour masquer ses intentions, il adressa au greffier des états-généraux une lettre où il protestait de son amour pour la paix. Tous les bruits que l’on faisait courir sur ses préparatifs belliqueux étaient inexacts. « Tout cela était une pure invention, une fausseté insigne; rien n’était vrai. » Le 9 mai 1787, au matin, la nouvelle de la marche en avant des stathoudériens se répandit à Utrecht. Le conseil se rassembla aussitôt et résolut de repousser la force par la force. De tous côtés, les volontaires s’offrirent pour marcher contre l’ennemi. M. D’Averhoult, Français d’origine, l’un des plus jeunes conseillers de la ville, accepta le commandement de ses défenseurs. Le combat ne fut pas de longue durée. Les stathoudériens faiblirent bientôt devant le tir serré de leurs adversaires. Leur retraite se changea en déroute. Officiers et soldats prirent la fuite, laissant de nombreux cadavres, abandonnant armes et bagages. Les bourgeois couchèrent sur le champ de bataille et poursuivirent le lendemain matin un ennemi qui ne se trouva plus.

L’effet produit par ces événemens fut considérable. Les états de Hollande résolurent de se porter au secours d’Utrecht. En envahissant le territoire d’une ville souveraine, le stathouder avait manqué à ses devoirs constitutionnels. Par ce fait, l’acte d’union se trouvait rompu. Le rhingrave de Salm, revenu d’une mission à Versailles, fut dirigé sur Utrecht avec sa légion. Le général van Rvssel, commandant le « cordon militaire » qui défendait la Hollande, reçut l’ordre de marcher en avant.