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La cour de France blâma la précipitation des patriotes : « Ce n’est pas la cour de Berlin que je calcule, écrivait Rayneval, je calcule la faiblesse, la fragilité des moyens des patriotes. » Pour remédier à la faiblesse de ces moyens, le cabinet français ne reculait pas devant les sacrifices pécuniaires : « Nous regardons la chose comme assez importante pour ne pas craindre de répandre 2 millions, et même le double, si cette somme était nécessaire, » disait M. de Montmorin dans une lettre au chevalier de Bourgoing qu’il venait d’envoyer en Hollande pour aider et contrôler Vérac.

Sir James Harris cependant n’épargnait rien pour décider son gouvernement à combattre la politique française. Le 19 mai, il reçut, sur sa demande, l’autorisation de quitter La Haye pour venir plaider la cause des orangistes auprès du roi son maître. Le 23 mai, après un dîner chez le grand chancelier, sir James Harris fut appelé à défendre ses opinions devant le cabinet britannique. Il les résuma avec habileté. « Le mal est plus grand, le remède moins difficile qu’on ne croit. La France ne s’aventurera pas dans une guerre. Elle n’a ni armée, ni revenu, ni ministère. » Le 26 mai, le roi George III reçut un mémoire par lequel ses ministres lui demandaient « humblement » de venir en aide aux orangistes : « Il serait utile d’avancer dans ce dessein, sous forme de prêt ou autrement, une somme ne dépassant pas 20,000 livres sterling. » George III ne consentit qu’avec peine à cette dernière demande : « Je m’y résigne à regret, après la funeste expérience que j’ai faite du secours donné par moi à la cause des Corses. Le ministère m’avait promis de me restituer les fonds; il n’en a jamais trouvé le moyen, ce qui m’a donné l’air d’un dissipateur aux yeux du parlement ; mais je me fie en l’honneur de M. Pitt. »

Sir James Harris ne s’arrêta pas à recueillir les lauriers qui lui étaient dus. Le 1er juin, il était de retour à La Haye, rendant le courage aux orangistes, que son départ avait désolés.

Le désordre matériel augmentait tous les jours dans la république. L’esprit d’indiscipline avait atteint les soldats eux-mêmes ; les hommes mécontens de leur chef passaient au service de l’adversaire, et ce double courant de déserteurs ajoutait au trouble général. Le rhingrave apprenait « par hasard, » que trois compagnies du régiment de Stuart s’étaient révoltés. Les canonniers de Gorcum avaient suivi leur exemple et gagné le camp stathoudérien. Quelle pouvait être l’obéissance des soldats, alors que Frédéric de Salm, donnant le premier l’exemple de la révolte, adressait aux compagnies bourgeoises d’Amsterdam d’amers reproches contre les délégués des états? « Si les bourgeois voulaient se rallier sous ses étendards, ils pouvaient être assurés d’un plein triomphe contre leurs ennemis. » A l’extérieur, l’horizon devenait aussi menaçant; et M. de