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L’accord était complet entre la Prusse et l’Angleterre. Le traité d’alliance offensive et défensive, qui devait être signé au mois d’octobre, était arrêté en principe. Par sa tenace obstination, par sa volonté ferme et raisonnée, par son courage, sir James Harris était parvenu à ses fins. Ce n’est pas le courage, assurément, qui manquait aux négociateurs français. Ils ne savaient, par malheur, ni ce qu’ils voulaient, ni ce qu’ils pouvaient. M. de Loménie de Brienne, nommé contrôleur général et bientôt principal ministre, avait porté dans l’administration des finances, puis dans la politique générale, tout le désordre de sa vie privée. Quand on voulut presser les armemens de Givet, l’on découvrit que les sommes réservées pour cet objet étaient déjà dépensées ; les émissaires envoyés par le duc de Brunswick purent revenir en disant que le camp était désert et que l’on y cherchait en vain des soldats français. La cour de France ne se plaignit pas moins des préparatifs militaires faits en Westphalie : « Le roi vous autorise à rappeler l’intérêt que, jusqu’à présent, il n’a cessé de prendre à la prospérité de la monarchie prussienne, écrivait Montmorin à Falciola, et de faire entendre que, si le roi de Prusse ne fait aucun cas de cet intérêt, nous serons forcés, quoique à regret, de changer de conduite et de système. Le roi n’abandonnera jamais la Hollande, dans aucun état de cause, lorsqu’il sera question d’agression étrangère. »

M. de Montmorin ne se flattait déjà plus d’imposer sa manière de voir au gouvernement prussien. « Quelque précipitée et quelque inconsidérée que soit la conduite du roi de Prusse, écrivait-il le 20 août, le roi pense qu’il est d’une nécessité absolue d’en prévenir les effets, sans perdre de temps à discuter si les plaintes de ce monarque sont bien ou mal fondées. » Dans cet état de choses, la cour de France conseillait aux états de Hollande d’autoriser le voyage à La Haye de la princesse d’Orange, et de l’inviter à s’y rendre dès que la sécurité publique le permettrait. Le texte même de la réponse à faire au roi de Prusse était envoyé de Versailles. Le courrier du 20 août apportait à l’ambassadeur de France une nouvelle plus grave que le conseil donné aux états. Le roi avait ordonné son retour en France. « Je ne vous dissimulerai pas qu’il a également résolu que vous ne retourneriez pas à La Haye. Sa Majesté a disposé de l’ambassade de Hollande envers M. le comte de Saint-Priest. » Le coup était dur pour Vérac; il était terrible pour les patriotes. Rappeler l’ambassadeur dans ces circonstances, c’était condamner la Hollande et le parti républicain. La cour de France avait enfin compris que l’accord de l’Angleterre et de la Prusse était absolu.

Le 8 septembre, malgré la résistance prolongée d’Amsterdam, les états de Hollande se décidèrent à une dernière démarche pacifique, et adressèrent à la cour de Prusse la réponse rédigée par le cabinet