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lieues de la frontière. Dans un mémoire envoyé sur la demande du cabinet français, M. Paulus, l’un des patriotes les plus distingués, résumait la marche à suivre. Il fallait envoyer quanto civitus 20,000 hommes en Hollande par Gorcum. Un second corps, de plus de 20,000 hommes, envahirait la Westphalie, puis reviendrait sur Utrecht, obligeant le duc de Brunswick à diviser ses forces et le plaçant entre trois feux, si l’on comptait la petite armée hollandaise, forte de 10,000 hommes environ. Un troisième corps, de 10 à 12,000 hommes, embarqué à Dunkerque, débarquerait à Helvoetet s’emparerait de cette place et de La Brille. « Si tout cela se fait promptement, la Hollande sera délivrée des troupes prussiennes ; si cela ne se fait pas, elle est perdue. » Cela ne devait pas se faire, et la Hollande était perdue. L’influence de M. de Loménie de Brienne l’avait emporté. MM. de Ségur et de Castries se retiraient du ministère, et l’on s’efforçait à Versailles d’oublier les patriotes, tout en gardant rancune au roi de Prusse.

Le 21 septembre, M. de Montmorin sonnait le glas funèbre de la cause républicaine dans une lettre à Saint-Priest, que les événemens retenaient à Bruxelles, a Le printemps peut et doit nous donner des forces qui nous manquent quant à présent. L’idée d’une diversion dans les états du roi de Prusse me paraît absolument impraticable. » c’était trop compter sur la bonne volonté du duc de Brunswick que d’attendre le printemps pour rechercher les facultés qui manquaient à la France. La dernière ressource employée par les patriotes devait leur faire défaut, comme les secours de leur allié : les digues et les écluses étaient rompues, mais la mer n’avançait pas ; elle avait couvert des plaines fertiles, elle ne barrait pas la route à l’invasion. Le duc de Brunswick avait calculé sur les quartiers de la lune la date précise de son entrée en campagne. Si le courrier chargé de porter à Berlin la dernière réponse des états de Hollande avait pu faire en quelques heures une traite qui demandait quelques jours, c’est qu’il fallait profiter des basses marées. Le général de Pfau, qui a donné, en 1791, sur cette tournée des armées prussiennes, un récit très complet et très détaillé, digne d’être comparé aux dernières publications du grand état-major allemand, fait remarquer avec soin cette preuve de la prudence du duc de Brunswick. Il insiste, non sans lourdeur, sur l’exactitude géométrique de ses opérations militaires. Ces éloges sont mérités. Pendant qu’on se livrait au simulacre de négociations pacifiques, le duc de Brunswick combinait tous ses mouvemens avec la précision d’un homme de guerre qui serait mathématicien. Grâce à de nombreux espions partout répandus, grâce surtout aux renseignemens minutieux que pouvaient lui donner la princesse d’Orange et les officiers du stathouder, il réglait dans les moindres détails l’ordre