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il exprimait ses inquiétudes, ses dégoûts, ses répugnances pour une politique qui le laissait sans confiance dans une tranquillité suspecte ; il n’est point douteux qu’il a les mêmes impressions aujourd’hui, et c’est en face de cette situation que ministère et majorité ont toujours à prendre un parti, à se demander si ce qu’ils ont décidément de mieux à faire est de continuer ce qu’ils ont si bien commencé, de violenter les intérêts et les croyances, d’irriter au lieu de pacifier, d’ajouter aux griefs de minorités puissantes qui représentent après tout la moitié de la nation française.

Ce n’est point facile, nous en convenons, d’en revenir à mettre un peu de raison et de modération dans la politique, de s’attacher aux affaires sérieuses du pays. Il est bien plus aisé de jouer avec les interpellations et les incidens, de parler aux passions, de chercher quelque succès de parti en cédant aux entraînemens et aux fantaisies qui se succèdent. Il y a des républicains toujours prêts à se remettre en campagne, à tenter les diversions bruyantes et irritantes en soulevant des questions comme cette affaire des princes, si singulièrement réveillée il y a quelques jours. À quel propos l’affaire des princes ? A-t-on voulu détourner l’attention des difficultés bien autrement graves, bien autrement pressantes que le gouvernement et les assemblées ont à résoudre ? Y a-t-il quelque tactique obscure imaginée pour mettre un ministère dans l’embarras ? Est-ce tout simplement la fantaisie turbulente de quelques députés qui ne peuvent rester en repos, qui ont voulu faire du bruit ? Ce sera tout ce qu’on voudra, c’est dans tous les cas une violence inutile. Maintenant cette proposition d’expulsion des princes, qui s’est si étrangement produite, il y a quelques jours, et qui a été provisoirement renvoyée à une commission d’initiative parlementaire, sera-t-elle prise en considération ? Est-elle destinée à s’aggraver, à compliquer une politique intérieure déjà assez embrouillée ? Le gouvernement, à ce qu’il semble, se serait passé de l’incident ; il a commencé par déclarer qu’il n’avait pas besoin de lois nouvelles, qu’il était suffisamment armé contre toutes les tentatives qui pourraient être un péril ou une menace pour la république, et il a paru décidé à refuser le dangereux cadeau d’une nouvelle loi de proscription qu’on voulait lui faire. Malheureusement M. le président du conseil ne va pas toujours au bout de ses résolutions ; il s’arrête quelquefois eu chemin pour interroger la direction des vents, et, après avoir paru résister dans un premier mouvement qui était le bon, il a paru céder depuis en acceptant, pour faire plaisir à ses amis du radicalisme, une sorte de déclaration assez vague, assez générale qui remettrait au gouvernement un droit facultatif dans un intérêt de sûreté générale. Ce serait un droit discrétionnaire d’autant plus dangereux qu’il serait indéfini et illimité, transmis de ministère en ministère, et dont l’application