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A l’appui des déclarations calmantes qu’il adressait à ses agens[1], le cabinet du roi nous donnait des gages effectifs de ses sentimens pacifiques. Il réglait sa politique orientale d’après la nôtre, et il reprenait avec le ministre de Danemark à Berlin les pourparlers si bruyamment rompus au mois de juillet par l’étrange méprise du sous-secrétaire d’état. Il informait aussi le gouvernement néerlandais qu’il avait fait sortir de Luxembourg tout le matériel de guerre et que les troupes qui restaient dans la citadelle allaient être retirées. Il espérait, en échange, que la Hollande procéderait au démantèlement de la place, dès que le dernier soldat prussien en serait sorti. L’évacuation avait été différée tant que les appréhensions d’une guerre, soit qu’on dût la subir, soit qu’on voulût la provoquer, étaient prédominantes à Berlin. Les communications faites au cabinet de La Haye ne pouvaient plus laisser de doutes sur les dispositions du gouvernement prussien : elles dénotaient une franche confiance dans le maintien de la paix.

L’attitude du chancelier au Reichstag n’était pas moins rassurante; il calmait les ardeurs patriotiques des nationaux et les alarmes particularistes du Midi. Il employait son ascendant sur les chefs des différentes fractions parlementaires pour enlever à l’adresse au roi[2] tout caractère irritant pour les susceptibilités du dehors.

  1. Circulaire prussienne. — « Il me revient que la circulaire du 7 septembre, que vous avez communiquée au gouvernement auprès duquel vous êtes accrédité, a été dans certains cercles mal interprétée. Malgré la clarté de ma dépêche, on y a vu l’intention d’exercer une pression morale sur les états du Midi pour les forcer à entrer malgré eux dans la confédération du Nord. Le gouvernement du roi maintiendra certainement avec fermeté les rapports et les conventions avec les gouvernemens du Midi, mais il est fort éloigné de vouloir exercer la moindre pression sur la libre détermination de ses alliés. Nous les laisserons toujours parfaitement libres de resserrer à leur gré, maintenant ou plus tard, les liens qui les rattachent au Nord. Le gouvernement du roi désire rester en bonne intelligence avec tout le monde, mais il considère comme un devoir d’achever l’édifice dont le sentiment national a jeté les bases et de fonder le bonheur des nouvelles parties de la monarchie sur une paix durable, seule capable de couronner une œuvre difficile. »
  2. Le parlement décida que l’adresse serait portée au roi, qui voyageait dans le midi de l’Allemagne. C’est à Nuremberg, la vieille cité impériale, choisie à dessein, que la députation fut reçue. Guillaume Ier venait de saluer à Hohenzollern le berceau de ses ancêtres et il allait recevoir à Augsbourg, la ville de Charles-Quint, le roi de Bavière, On ne négligeait aucune occasion pour raviver les souvenirs du saint-empire. Le roi Louis, qui ne s’était prêté à l’entrevue qu’à son corps défendant, en revint fort satisfait. Le roi de Prusse avait su capter sa confiance, si bien qu’il s’engagea à marcher, en cas de guerre, résolument sous sa bannière. Il était arrivé à Augsbourg comme roi de Bavière et il en était reparti, disait-on, comme préfet prussien.