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demi-blancs et d’Indiens, entrait résolument en lutte avec le Canada et l’Angleterre. Il débuta par organiser dans tout le territoire une agitation pacifique et un vaste pétitionnement. Son premier acte officiel fut la publication du Bill of rights, résumé des réclamations présentées par lui au nom de ses compatriotes. Il demandait : 1° la sous-division en provinces des territoires du nord-ouest ; 2° l’extension à tous les demi-blancs habitant lesdits territoires des concessions faites aux demi-blancs du Manitoba ; 3° la remise de titres réguliers aux colons en possession du sol ; 4° la mise en vente de 500,000 acres de terres non occupées et appartenant à l’état, le produit de ladite vente devant être affecté à la construction d’écoles et d’hôpitaux et à la remise, aux demi-blancs sans ressources, des semences et outils agricoles nécessaires à leurs exploitations ; 5° la mise à part d’une partie des terres coloniales pour être ultérieurement distribuées aux enfans des demi-blancs ; 6° une annuité de 5,000 francs par village pour l’entretien, dans chacun d’eux, de sœurs catholiques vouées à l’éducation des enfans et aux soins des malades ; 7° l’amélioration de la situation des Indiens et le contrôle rigoureux des agens chargés de leur distribuer les subsides du gouvernement.

Sur le refus tacite du gouvernement de discuter ces demandes et d’y faire droit, Louis Riel appela la population aux armes et invita les tribus indiennes à se joindre à lui. Leur concours lui était indispensable, étant données les conditions de la lutte qu’il engageait et la frayeur que la seule menace d’un soulèvement des Indiens causait dans tout le Canada. Derniers représentans de la race autochtone, les tribus indiennes qui errent encore dans ces immenses prairies du nord-ouest ne sont plus que les descendans dégénérés des peuplades guerrières dont Fenimore Cooper a décrit la grandeur et la décadence. Parqués comme des parias dans des réserves dont les colons leur disputent la possession, exploités par les agens chargés de leur distribuer, sous forme de vivres, de couvertures et d’effets, les subsides du gouvernement, ils végètent misérablement, décimés par l’ivrognerie et les privations. Quand la famine les étreint, quand ils ont échangé contre un verre d’eau-de-vie la couverture destinée à les abriter contre les rigueurs de l’hiver, quand le gibier se fait rare et le froid intense, ils pillent où ils peuvent et ce qu’ils peuvent, abattus à coups de fusil par les blancs, pour lesquels ils sont un danger constant. Dans le nord-ouest, plus à distance de la civilisation, leur existence serait moins dure, n’était l’eau-de-vie. Ils trouvent encore à chasser, à vendre des pelleteries aux trafiquans de fourrures, puis, si maigres que soient les secours que le gouvernement leur accorde, c’est quelque chose à ajouter au produit de leur chasse, de leur