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droits antérieurs à sa prise de possession. Or les demi-blancs occupaient les terres dont ils réclamaient la propriété bien avant la cession au gouvernement canadien. Ils les occupaient du consentement tacite de la Compagnie de la baie d’Hudson, conformément aux lois et coutumes en usage parmi les settlers. Les routes faisant défaut, ils avaient dû, pour assurer leurs communications et l’écoulement des produits, s’établir sur le cours des rivières, lis avaient défriché et ensemencé le sol, construit leurs demeures, mis en valeur des terres incultes. De quel droit le gouvernement canadien venait-il leur en disputer la jouissance ? Il leur avait assigné, il est vrai, d’autres terres en échange de celles qu’il leur enlevait, mais en vertu de quel droit procédait-il à cette dépossession et à cet échange ? De droit, il n’en avait aucun. Ses mesures arbitraires ruinaient les demi-blancs, et cela, pourquoi ? Pour livrer aux gros spéculateurs qui entreprenaient la construction du chemin de fer destiné à relier Halifax, sur l’Atlantique, aux rives du Pacifique, les terres cultivées par les demi-blancs.

Riel concluait en réclamant un sursis pour préparer sa défense. Il demandait, en outre, la comparution devant la cour, à titre de témoins à décharge, de Gabriel Dumont et Dumas, qui avaient réussi à gagner les États-Unis, et de Burges et Van Gougnet, secrétaires d’état du ministère de l’intérieur et des affaires indiennes, dépositaires, en leur qualité officielle, des documens, pétitions et réclamations soumis par les demi-blancs à l’examen du gouvernement, dont le silence et les fins de non-recevoir avaient été la cause des événemens survenus. Enfin, il réclamait la production devant la cour des papiers saisis à son quartier-général, à Batoché, parmi lesquels se trouvaient, disait-il, des pièces établissant que, contrairement aux termes de l’acte d’accusation, il avait cessé d’être sujet anglais pour devenir citoyen américain.

Le ministère public répondait que Riel et ses conseillers légaux avaient eu tout le temps nécessaire pour préparer sa défense ; que, prenant en considération l’impossibilité pour Riel de faire venir à ses frais les témoins qui lui étaient nécessaires, le gouvernement prendrait ces frais à sa charge, mais qu’il n’était pas au pouvoir du gouvernement de faire comparaître comme témoins Gabriel Dumont et Dumas, eux-mêmes sous le coup d’un mandat d’arrêt, comme coupables de haute trahison, et réfugiés aux États-Unis, en dehors de la juridiction de la cour, ou de leur offrir un sauf-conduit. Il consentit toutefois à un délai d’une semaine, que la cour octroya, après avoir entendu lecture d’une lettre de Gabriel Dumont, offrant de venir joindre son témoignage à celui de Riel et de se rendre à Regina avec ou même sans saut-conduit.

À l’insu de Riel et sans l’avoir consulté, ses conseillers légaux