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M. Gladstone. Il n’y a que quelques jou-s, un de ces libéraux, lord Hartington, a saisi l’occasion d’expliquer dans une réunion l’attitude de dissidence où il s’est placé. Il l’a déclaré, il n’a pas entendu se séparer du parti libéral, — il n’a pas pu s’associer à la politique irlandaise du cabinet, et il attend les mesures qui seront proposées.

Ce qu’il y a de curieux, de caractéristique dans la phase où est aujourd’hui l’Angleterre, c’est que tous les problèmes semblent s’élever à la fois. Tout dernièrement, un député radical, M. Labouchère, demandait à la chambre des communes de déclarer que l’existence de la chambre des lords était incompatible avec le principe représentatif, et la motion n’a été repoussée qu’à une assez faible majorité. La question de la réforme de la chambre des lords est à l’ordre du jour ! Plus récemment encore, un autre député, M. Dillwyn, a fait à la chambre des communes une proposition pour la séparation de l’église et de l’état dans le pays de Galles. Un des ministres, sir William Harcourt, a combattu la proposition en montrant que l’église du pays de Galles faisait partie intégrante de l’église anglicane, qu’il était impossible de soulever la question de la séparation de l’église et de l’état pour une province sans la soulever en même temps pour le reste du pays : la motion n’a pas moins obtenu 229 voix contre 241 à peine. Il est certain qu’un souffle de réforme agite l’Angleterre, en dépit d’un vieux sentiment public qui s’inquiète, qui résiste encore; et on ne voit pas bien ce qui arriverait si M. Gladstone n’était plus là pour diriger ou contenir le mouvement.

Depuis assez longtemps déjà, l’Italie a eu la bonne fortune d’échapper aux crises parlementaires et ministérielles qui mettent l’incertitude dans la vie d’un pays. Il y a eu sans doute de temps à autre des changemens à Rome, et c’est ainsi qu’il y a quelques mois, M. Mancini a été remplacé au ministère des affaires étrangères par le comte Robilant, ancien ambassadeur du roi Humbert à Vienne, vieux soldat diplomate à l’esprit droit, à la parole nette et décidée; mais dans son ensemble, le cabinet, qui a déjà une assez longue existence, est resté à peu près ce qu’il était, et à vrai dire, le cabinet de Rome se résume en M. Depretis, qui a résolu le problème de la stabilité ministérielle en demeurant depuis près de dix ans l’arbitre de la situation. Arrivé à la direction des affaires comme chef de l’opposition et héritier des anciens cabinets de la droite, M. Depretis a su se créer entre les partis une position des plus fortes, une sorte d’ascendant original. Il a été évincé un moment, il y a quelques années, par un autre chef de l’opposition, M. Cairoli; il n’a pas tardé à être rappelé au pouvoir, où il est encore. Le vieux Piémontais, qui date des anciennes chambres de Turin et qui est peut-être aujourd’hui le seul de ces temps déjà presque fabuleux, n’est pas sans doute de la race des grands politiques ; c’est un fin tacticien, homme de sens pratique et d’habileté, sachant manier