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avoir supprimé la propriété foncière individuelle, sans tenir compte des droits que les possesseurs du sol pourraient faire valoir à l’encontre de cette mesure, il en vient à préconiser aussi la répudiation des dettes publiques, en se fondant toujours sur ce même principe que ce qui île une génération n’enchaîne pas celles qui la suivent, et que les titres les plus sacrés peuvent être déchirés à un moment donné, lorsque le vent de l’opinion a tourné, que les idées se sont transformées et que des besoins nouveaux se sont fait sentir.

Nous trouvons aussi dans les Problèmes sociaux un vigoureux et brillant plaidoyer, — car en prenant des années, l’auteur de Progrès et Pauvreté n’a rien perdu de sa virtuosité d’écrivain, — en faveur de la reconnaissance des droits politiques de la femme. Il voit dans cette moitié de l’humanité qu’on a appelée le sexe faible et qui, jusqu’ici, a été tenue en tutelle et gouvernée par l’autre moitié, une armée de futurs électeurs qui ne manqueraient pas de jeter leurs suffrages du bon côté dans la lutte entreprise pour la réorganisation de ce vieux monde chancelant et caduc. Mais ce qui n’est pas moins intéressant, et ce qui, selon nous, est plus important encore que ces diverses adjonctions aux théories précédemment énoncées dans Progrès et Pauvreté, ce sont les critiques, parfois très fondées, que l’auteur des Problèmes sociaux fait de certains abus, tels que la monopolisation des chemins de fer par un petit groupe de princes de la finance, dont il a vu de près, dans son pays surtout, les graves inconvéniens[1].

Après avoir entendu le chef du nouveau socialisme anglo-saxon et fait suffisamment connaissance avec ses doctrines, voyons maintenant quel accueil lui était réservé, quelle influence il a exercée, de quel crédit il jouit au milieu des populations qu’il avait spécialement en vue en prenant la plume.


II

Nous sommes ici en présence d’une manifestation qu’on peut hardiment qualifier d’exceptionnelle, — nous l’avons déjà dit. — Un publiciste bien renseigné en parlait en ces termes dans un écrit récent : « L’ouvrage de M. George : Progrès et Pauvreté a vu le jour en 1879. En 1885, à six ans de distance, on peut affirmer sans hésiter que l’apparition de ce livre forme à elle seule une date

  1. Cet article était écrit lorsque l’Examiner de San-Francisco nous a apporté les premières pages d’un nouveau livre de M. George qui est à la veille de paraître et que ce journal réimprimes sur les bonnes feuilles, au prix, nous dit-il, de grands sacrifices et avec privilège exclusif pour toute la côte du Pacifique. Cet ouvrage a pour titre : Protection ou Libre-Échange ? (Protection or Free Trade ? )