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avait dû céder au prince de Condé. Le jeune duc d’Anguien n’en sortit qu’une fois, pour la cérémonie de son baptême, qui se fit en grande pompe, le 2 mai 1626, et ne quitta définitivement ce sévère séjour qu’en 1629 pour venir commencer ses études au collège Sainte-Marie de Bourges, dirigé par les jésuites. M. le duc d’Aumale, à ce propos, rappelle, et avec raison, que les jésuites, en ce temps-là, passaient pour de vrais novateurs en matière d’enseignement, et l’étaient. Ennemis nés de la scolastique, et moins curieux d’érudition que d’humanités, ils essayaient alors d’étendre, d’élargir les bases de l’éducation. Le jeune duc d’Anguien, confié aux soins particuliers du père Pelletier, comme précepteur, et d’un M. de La Buffetière qui devait remplir, sans en porter le nom, les fonctions de gouverneur, suivit pendant six ans les cours du collège Sainte-Marie. « En classe, il était séparé des autres élèves par une petite balustrade dorée, » mais il faisait les mêmes exercices, écoutait les mêmes leçons, prenait part aux mêmes compositions, et son temps était dès lors si rigoureusement réglé que sa mère, quand elle venait à Bourges, n’était admise à le voir qu’à des heures déterminées.

Un manuscrit de Chantilly contient tout un recueil de poésies latines du duc d’Anguien, et puisque nos historiens, toutes les fois qu’ils ont à parler d’un homme d’état anglais, ne manquent pas de nous rappeler les vers grecs qu’il faisait à l’université, nous avons bien le droit de louer les vers latins d’un prince du sang de France. Mais ce qui sera pour les curieux d’un intérêt plus vif, et plus considérable aussi pour les historiens, ce sont les quelques lettres latines du jeune prince à son père, que M. le duc d’Aumale a tirées, pour nous les donner, de la collection des archives de Condé. Non pas sans doute qu’il y ait aucun lieu d’admirer la latinité de ce rhétoricien de douze ou quinze ans ; mais ces lettres elles seules suffiraient à prouver la qualité de l’éducation que reçut le jeune duc d’Anguien chez les pères de Bourges, et en même temps à justifier les éloges que Bossuet devait faire un jour de ce génie qui embrassait tout : « l’antique comme le moderne, l’histoire, la philosophie, la théologie la plus sublime et les arts avec les sciences. » Si d’ailleurs on estimait que c’est peut-être voir beaucoup de choses dans quelques lettres latines, il convient d’ajouter qu’au sortir de sa rhétorique le duc d’Anguien consacra deux années entières à l’étude de la philosophie et des mathématiques, telles qu’alors ou les comprenait : logique, éthique, métaphysique, géométrie, trigonométrie et physique. Enfin, une année d’étude de l’histoire et du droit, sous la direction d’un maître qui occupait à Bourges la chaire jadis illustrée par Cujas, compléta cette éducation. Le duc d’Anguien rédigea lui-même un petit traité des substitutions. Ainsi que le fait observer justement