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ainsi de soutien à cette curieuse espèce aujourd’hui perdue. Elle rappelle de loin et en plus petit les Pandanées tropicales et constituait au sein des eaux crétacées de Fuveau des colonies d’individus pressés et indéfiniment multipliés. Les Rhizocaulées ne dominaient pas exclusivement : un ingénieur civil, M. Darodes, a extrait de la mine de Trets des feuilles de lotus, fossilisées sur place, à la superficie d’un fit charbonneux. Quelques-unes sont étalées et presque entières, d’autres repliées en cornet, telles qu’un faible mouvement a dû les disposer en les entraînant au fond. Le lotus, on le sait, élève au-dessus des eaux tranquilles ses larges feuilles conformées en bouclier. Il fait l’ornement des anses retirées des grands fleuves de l’Asie intérieure et méridionale. Le lotus reparaît en Amérique. Au lieu de tenir ses fleurs couchées au niveau de la nappe dormante qu’il habite, à l’exemple du nénuphar, c’est au sommet de longs pédoncules dressés qu’il porte ses fleurs, pareilles à des lis roses ou dorés, selon les espèces, et si belles que la religion, d’accord avec la poésie, leur réserve une place dans toutes les mythologies de l’extrême Orient. On rencontre encore le lotus dans l’ancienne Égypte, où la plante semblerait avoir été introduite primitivement et naturalisée sur les bords du Nil, qu’elle a depuis abandonnés.

Au milieu de ces plantes nageaient des tortues et se blottissaient de véritables crocodiles[1], voisins de ceux du Nil, mais notablement plus grands. Les coquilles, soit celles qui rampaient sur le sol (lychnus), soit celles qui vivaient au sein des eaux (physes), par leur dimension inusitée, leur beauté, leur singularité même, reportent l’esprit vers les régions équatoriales, les îles de la Sonde, les Carolines et les Salomon, dont on a tant parlé dernièrement, où fourmillent tant d’êtres privilégiés inconnus à nos latitudes et qui seuls pourtant offrent des termes de comparaison avec la Provence de l’âge des charbons de Fuveau et des temps immédiatement postérieurs. À cette dernière époque effectivement, la nappe palustre de la vallée du Lar, si longtemps envahie par des plantes marécageuses, gagna en profondeur, et, peut-être par suite du percement de quelque bassin supérieur, se convertit en un lac alimenté par un puissant cours d’eau et comblé ensuite, peu à peu, par le transport et le dépôt d’élémens détritiques empruntés principalement au trias. À cette dernière période de la craie prise dans son ensemble, à ce voisinage d’un fleuve baignant les rives d’une contrée d’où la mer était exclue, arrosant sans doute l’intérieur d’un grand continent, se rattachent des reptiles gigantesques,

  1. Crocodilus Blavieri, de Cuvier.